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Тургенев Иван Сергеевич - Письма (1831-1849), Страница 13

Тургенев Иван Сергеевич - Письма (1831-1849)



en voulu'que vous, Madame, l'eussiez vue dans "La Somnambule" ou "Robert"... Elle a eu de tres beaux moments dans son duo avec Bertram; quand il la saisit par le bras, elle pousse une espece de cri etouffe et prolonge ou plutot une espece de frisson parle (Dieu sait si vous me comprendrez) quelque chose que l'on fait quand on a froid et peur en meme temps - enfin quelque chose de tres vrai et d'un grand effet. En general, le role d'Alice lui va parfaitement. Alice, vous le savez, est une espece d'ange. Dans le "Quando lasciai la Normandia", elle fait un trait delicieux; si c'est elle qui l'a trouve, je l'en felicite. Que ne suis-je musicien pour vous le noter! Mais comme cela, c'est-a-dire comme ce que je suis, je serais reduit a vous l'expliquer par toutes sortes de comparaisons fort peu claires, et je crois en avoir deja abuse dans cette lettre.
   J'ai ecrit tout cela d'un seul trait. Or il se fait tard, je pais demain pour Boulogne6. Dans dix jours je serai a Paris, et j'espere avoir le plaisir de vous voir. Adieu, Angleterre! Je te quitte sans regret, je t'assure, tout comme tu me vois partir, probablement. Ah! mon cher Viardot, quel chien j'ai vu ici! Comme je l'aurais achete, s'il ne coutait pas 300 fr.! Et comme je l'aurais vole, si je n'etais pas un homme plus ou moins vertueux, ou plutot si j'avais pu le faire! Mais j'en emporte le souvenir pour tout le reste de mes jours.
   Adieu, portez-vous bien, toute la famille. Je vous serre la main a tous fort affectueusement.

Votre

J. Tourgueneff.

   На обороте:

Monsieur Louis Viardot.

Paris.

Rue de la Victoire, No 11.

  

73. M. Ф. КОРШ

Около 20 августа (1 сентября) 1847. Париж

  
   Посылаю Вам через комиссионера Вашу книгу, любезная Марья Федоровна. Я еду сегодня. Не дайте Белинскому съесть меня живого. Будьте здоровы - до свиданья через две недели. Кланяюсь всем низехонько.

Ваш

И. Тургенев.

   На обороте:

Mademoiselle

Mademoiselle Marie Korsch,

allee Marigny No 9, au second, chez M-e Hertzen.

  

74. В. Г. БЕЛИНСКОМУ

5 (17) сентября 1847. Куртавнель

  

Куртавнель. 17-го сент. 47.

   Вы едете в Россию, любезный Белинский1; я не могу лично проститься с вами - но мне не хочется отпустить вас, не сказавши вам прощального слова - (кстати, я выслал вам в письме к Анненкову2 билет на получение шубы, причем прошу у вас извинения в том, что давно этого не сделал). Анненков мне ничего не написал об вашем здоровье; он предпочел наполнить свою записку той аттической солью своего остроумия, которая иногда, к изумленью, как говорит Гоголь, напоминает вкус славянского бузуна3. Надеюсь, что д-р Тира вам помог: прошу вас написать мне об этом. Мне нечего вас уверять, что всякое хорошее известие об вас меня обрадует; я хотя и мальчишка - как вы говорите4 - и вообще человек легкомысленный5, но любить людей хороших умею и надолго к ним привязываюсь. В теченье этого времени я ничего не сделал путного; написал, однако, еще два больших очерка6. Старые я переписал и отправил к Некрасову7. Если до вашего приезда в Петербург их еще не напечатали, сделайте божескую милость, возьмите на себя корректуру. Сам я надеюсь, если какая-нибудь дьявольщина не помешает, явиться в Петербург к Новому году8. Пока - я ничего не могу сказать положительного. Что будет - то будет - великое слово фаталистов и людей т безмозглых, как я. По прибытии в Петербург поклонитесь, пожалуйста, от меня нижайше всей вашей семье, всем друзьям - и напишите мне два слова9; вы меня этим очень обяжете. Да, ради бога, обратите внимание на вашу кухню - а то опять вы себе расстроите желудок. А теперь прощайте. Ото всего сердца желаю, чтобы ваша поездка не оказалась бесполезной и дала бы вам новые силы. Крепко обнимаю вас. До свиданья.

Ваш

Тургенев.

  

75. ПОЛИНЕ ВИАРДО

7, 8, (19, 20) ноября 1847. Париж

  

Paris, 19 octobre {Так в подлиннике.} 47.

   Savez-vous, Madame, que vos charmantes lettres1 rendent la besogne tres difficile a ceux qui osent pretendre a l'honneur de correspondre avec vous? J'en suis d'autant plus embarrasse qu'une legere indisposition (maintenant entierement dissipee) m'ayant retenu dans ma chambre tous ces jours-ci - je ne puis vous envoyer - comme j'en avais l'intention - une petite revue de tout ce qui se passe a Paris. Me voila donc reduit a mes propres ressources - comme la Medee de Corneille2. C'est fort inquietant. Mais n'importe! Je compte sur votre indulgence... ah, mais - sans plaisanter! - Quelle abominable chose que l'abus de la parole! Voila une phrase qui a force d'avoir ete repetee - ne veut plus rien dire - et quand on l'emploie tres serieusement, on s'expose a n'etre pas cru.- Enfin! comme dit votre mari.
   Je commence par le commencement. Je commence par vous dire que nous sommes tous tres enchantes de l'heureux commencement de vos peregrinations - et que nous attendons avec impatience les nouvelles de votre debut. Nous voyons d'ici tomber les fleurs et nous entendons les bravos. Helas!.. Vous savez ce que veut dire cet - helas!3
   Eh bien - vous voila donc au fin fond de l'Allemagne!.. Il faut esperer que ces braves Burger sauront meriter leur bonheur. Vous etes a Dresde... N'etions-nous pas hier a Courtavenel? Le temps passe toujours vite - qu'il soit rempli ou vide, mais il arrive lentement... comme une clochette de troika russe.
   Vous avez probablement parcouru Diderot. Il faut avoir lu ses paradoxes4 pour s'en amuser, les refuter et les oublier. Il raffermit.- a ses depens - dans son lecteur le sentiment du vrai et du beau! Votre esprit si droit, si simple et si serieux dans sa finesse et sa grace n'a pas du gouter beaucoup le babil capricieux, miroitant et dilettantesque du Platon francais. (Jamais homme ne fut plus mal surnomme!) Cependant on y peche par-ci, par-la quelques idees neuves et hardies, ou plutot quelques germes d'idees fecondes - son devouement a la liberte de l'intelligence, son "Encyclopedie" - voila ce qui le fera vivre. Son coeur est excellent; - mais quand il le fait parler, il y fourre de l'esprit et le gate. Decidement - les feux d'artifice du paradoxe ne vaudront jamais le bon soleil de la verite. Et cependant - quoi de plus quotidien que le soleil (pas a Paris, par exemple). Ma foi! Vive le soleil! Vive tout ce qui est bon pour tout le monde!
   Mendelssohn est donc mort. Ce que vous en avez dit dans votre lettre a Mme votre mere - nous a paru a tous bien juste5. Je ne le connais presque pas; d'apres ce que j'ai entendu de lui - je suis tout pret a l'estimer - beaucoup; l'aimer... c'est une autre affaire. On ne fait de belles choses qu'avec le talent et l'instinct reunis; avec la tete et le coeur... J'ose croire que chez Mendenlssohn la tete predomine. Je puis me tromper... mais du reste, vous savez que je ne tiens pas obstinement a mes erreurs, quand on me met le nez dessus - ce qui n'est pas difficile, vu les proportions de cet organe. Je suis educable...
   Et a propos comment va "die deutsche Sprache"? Parfaitement j'imagine. J'ai deja pris un maitre d'espagnol - el senor Castelar6. J'ai beaucoup travaille tout ce temps-ci; je viens d'expedier un gros paquet a notre Revue7. C'est que je tiens a tenir mes promesses. J'acheve de lire en ce moment un livre de Daumer sur les Mysteres du Christianisme8. Ce Daumer est une espece de fou, qui veut a toute force prouver que le Christianisme primitif, judaique, considere comme secte, n'est autre chose que le culte de Moloch renouvele, que les premiers Chretiens sacrifiaient et mangeaient des victimes humaines; et que Judas n'a trahi son Maitre que parce qu'il ne pouvait vaincre l'horreur que lui inspirait un pareil repas. Daumer depense beaucoup d'erudition pour prouver que cette horrible coutume s'est maintenue dans l'Eglise jusqu'au 14-e siecle! Ce ne sont que des folies; - mais ce qu'il y a de vrai dans son idee - c'est le cote sanglant, triste, antihumain de cette religion qui devrait etre toute d'amour et de charite. Vous ne sauriez vous imaginer l'effet penible que font toutes ces legendes de martyrs qu'il vous raconte les unes apres les autreif toutes ces flagellations, ces processions, ces ossements adores, ces autodafe, ce mepris feroce de la vie, cette horreur des femmes, toutes ces plaies et tout ce sang!.. C'est tellement penible que je ne veux plus vous en parler. Grace a Dieu, ce n'est pas meme du Chinois pour vous.
   Dans ma prochaine lettre je vous donnerai des nouvelles sur l'Opera-National9, sur la "Cleopatre" de Mme de Girardin (qui a reussi, a mon grand regret)10 etc., etc.. Cependant - des aujourd'hui je puis vous dire que j'ai assiste hier soir a la premiere representation de "Didier, l'honnete homme"11, nouvelle piece de Scribe - aux "Varietes". La donnee n'en est pas neuve - mais c'est parfaitement manigance... Ferville y a ete admirable de verite, de noblesse et de sensibilite. Or, il parait qu'une piece identiquement pareille a ete donnee hier soir au "Gymnase" sous le nom de "Jerome le Macon"12. C'est Bouffe qui y remplissait le role de Ferville. Je ne sais comment ces beaux esprits se sont rencontres,- mais il est de fait que le "Gymnase" a fait relache avant-hier et a repete jour et nuit, pour etre pret le meme jour que l'autre theatre. J'irai voir ce "Jerome" - et vous ferai part de mes impressions. Bouffe est certainement bien plus Mendelssohn que Ferville. Mais Ferville est peut-etre plus Rossini que lui13. Enfin nous verrons - et si j'ai dit une betise - je serai le premier a crier mon mea culpa.
   Tous les votres se portent bien. Je vois Mme votre mere deux fois par jour.- Avant-hier nous avons ete - toute la famille - (si j'ose m'exprimer ainsi) - voir "La Belle aux cheveux d'or"14. C'est fort amusant et fort splendide.
   Je m'imagine que vous avez deja ete chez les Kaskel15 et que vous vous y etes fort... amusee. Par malheur, il est impossible de trouver ici le "Dresdner Tagblatt"; nous ne saurons pas comment la critique - Sie construiren wird - pour le moment, mais nous avons l'experience du passe.
   "Le Moniteur" annonce officiellement que Mlle Alboni est engagee au Theatre-Italien et qu'elle y debutera le_2 decembre dans le role d'Arsace16.
   Sur ce, Madame, je prie Dieu de vous avoir en sa sainte et bonne garde. Portez-vous bien surtout et n'oubliez pasvqs amis qui vous sont bien devoues - ce qui n'est pas etonnant le moins du monde, car enfin... ma foi, a quoi l'absence serait-elle bonne, si on ne pouvait pas meme en profiter pour dire aux personnes ce qu'on pense d'elles?.. Mais je m'arrete a l'idee que vous devez avoir pour le moment un bourdonnement perpetuel de compliments dans les oreilles - et je me borne a vous dire - enfin tout ce que vous voulez.
   J'espere que votre mari se porte bien, qu'il va chasser a outrance et nous ecrire un joli petit article la-dessus17. Je vois assez souvent Mlles Viardot18. Je lui serre la main ainsi qu'a vous, j'embrasse la petite Louise de tout mon coeur. Si Mme Schumann se souvient d'un gros monsieur russe qu'elle a vu a Berlin19 - dites-lui que ce gros monsieur la salue. Et quant a son mari, dites-lui donc de souffler sa bougie une fois pour toutes et d'aller se coucher. Il faut cependant finir cette lettre! Je vais la porter a Mme votre mere pour qu'elle y mette quelques mots.
   Bonjour... portez vous bien de toutes les facons - - - et voila.

Votre tout devoue

J. Tourgueneff.

  
   P. S. Je n'affranchis pas ma lettre; de cette facon elles ne s'egarent jamais.- J'ai remis le recu de mille francs a Mme votre mere; je ne vous le dis maintenant que pour avoir le plaisir de vous remercier encore une fois20.
  

76. В. Г. БЕЛИНСКОМУ

14 (26) ноября 1847. Париж

  

Париж.

26/14 ноября 47 г.

   Что ж это вы не откликнетесь, отец и командир? {Далее зачеркнуто: Три} Четыре недели тому назад пустил я к вам письмо1 - и хоть бы строчку в ответ. Нехорошо, ей-богу, нехорошо. И главное, непоощрительно для нашего брата, который готов исправиться, но требует, чтобы его за хорошее намеренье по головке погладили. Впрочем, мы здесь все теперь удовлетворены: No-а "Современника" достигли, наконец, берегов Сены2. Мы их теперь читаем с волчьей жадностью. И во-первых - скажите от меня Некрасову, что его стихотворение в 9-й книжке меня совершенно c ума свело; денно и нощно твержу я это удивительное произведение - и уже наизусть выучил3.- "Вот эдаких бы людей-то сечь бы"4 и т. д. Крупов тоже восхитителен5; письма также6. Из статьи о Гумбольдте (которую я, разумеется, не прочту) мне приятно заключить, что друг наш, Н. Г. Фролов, продолжает, по вашему выражению, держаться на высоте ума. Эдак он, пожалуй, допотеет до учености7. Тем более заслуги с его стороны. Ждем теперь 11-й No и вашей статьи8. Да поторопите контору. Словом, "Современник" идет хорошо. Одно: опечатки! Ни в одном трактирном тюфяке, ни в одной женской кровати нет столько блох и клопов, как опечаток в "Современнике". В моих "Отрывках"9 я их насчитал 22 важных, иногда обидно искажающих смысл.- "Сторожился" вместо) "сторонился", "ложась" вм<есто> "ложились" (вследствие чего выходит, что мальчишки бегают ложась) - фразы целиком пропущены и т. д. Сие есть неприятно. Нельзя ли хоть на будущий год взять корректора? Ась? Скажите это гг. издателям. Вы, небось, захотите от меня теперь парижских новостей? - Гм.- Вопрос затруднительный!.. Вышла 2-ая часть истории Мишле10, которую умные люди хвалят. Брошюра одного старика, современника революции, "Le Robespierre de Mr de Lamartine", в которой он доказывает, что Ламартин "сочинил" небывалого Робеспьера11. Я ее не читал, но прочту. К крайнему моему горю, "Клеопатра", трагедия г-жи де Жирардень, удалась, т. е. имела успех, потому, что удаться - в другом смысле - она не могла12.- "Клеопатра" и г-жа де Жирардень, поддерживаемая г-м Теофилем Готье!13 - Смех и горе! - Бессильные евнухи; пигмеи и синие чулки - и женщина, переварившая двух людей, {Далее зачеркнуто: подобно} как Цезарь и {Далее зачеркнуто: Август} Антоний, и подавившаяся только на третьем, Октавие!14. Вот пока, кажется, всё. Музыкальные новости вас мало интересуют - политических я не знаю, художественные тоже вас не очень волнуют... Перейдем к обыкновенным материям.
   Все мы здесь, по мере возможности, здоровы. Я работаю усердно, ей-богу. На днях я послал еще рассказец Некрасову, а через неделю пошлю два больших15.- Вот мы как действуем! От Герцена изредка приходят письма16. Он тоже работает. Из программы "Современника)" вижу я, что хотят печатать моего "Поручика Нетушкова"17. Так как они мне его не вышлют, то будьте великодушны, отметьте карандашом места слабые и попросите от меня Некрасова в нескольких словах их исправить - как-то: ясно сказать, что Василиса его любовницей сделалась и пр. и пр.18 Совестно мне его утруждать - у него, чай, и без того хлопот полон рот - да делать нечего. К "Альманаху" его, скрепя сердце, кончу "Маскарад"19 - и закаюсь писать стихи. Затеял я тоже статью под названием "Славянофильство и Реализм"20 - может быть, хорошо выйдет. Вообще, я не намерен тратить время по-пустому.
   Ну, а вы что, отец? Как ваше здоровье? Напишите хоть словечко. В ожиданье ответа жму вам руку крепко-накрепко, кланяюсь всему вашему семейству и всем друзьям.- Холера к вам успела пожаловать? Смотрите, будьте осторожны. Я не франкирую письма в надежде, что и вы так со мной поступите. Прощайте; будьте здоровы и веселы.
   Преданный вам Ив. Тургенев21.
  

77. ПОЛИНЕ ВИАРДО

14, 15 (26, 27) ноября 1847. Париж

  

Paris, се 26 novembre 47.

   Je ne veux pas vous laisser partir de Dresde, Madame, sans vous saluer encore une fois, quoique je n'aie pas precisement beaucoup de nouvelles a vous donner. Madame votre mere a eu jusqu'a present la bonte de me communiquer vos lettres1... vous pouvez vous imaginer tout le plaisir qu'elles nous ont fait. Decidement - il n'y a rien de tel que de recevoir des lettres! Nous ne pouvons que vous remercier des charmants details que vous nous donnez sur votre vie a Dresde: Mlle Kamienska a fait notre conquete. Si vous pouviez trouver une maison comme celle-la a Berlin! Nous allons prier votre etoile de continuer a vous etre propice - il faut qu'elle songe a meriter l'honneur de presider a vos destinees! Plaisanterie a part - tout va tres bien, mais tres bien, muy bien - jusqu'a present; Bleu donne que cela aille ainsi jusqu'a la fin.
   Pour ce qui est de nous2 - ca va aussi tres bien. Nous nous portons tous parfaitement, nous travaillons, nous nous voyons souvent, nous pensons beaucoup aux absents - nous nous rassemblons tous les soirs autour d'un brasero espagnol et nous parlons espagnol. Dans quatre mois je ne parlerai plus que cette langue; - mon maitre me fait beaucoup de compliments sur mon intelligence... С'est qu'il ne sait paf que j'ai la bosse de l'educabilite. J'habite un petit appartement3 fort propre, bien tapisse que j'affectionne beaucoup; (savez-vous que c'est tres important quand on veut travailler?) il y fait bon - il y fait chaud et j'y vis comme une, "mouche"... comme une mouche de la plus grosse espece. A propos il faut que vous chantiez en Allemagne quelques-unes de vos chansons. La "Luciole" ou la "Chanson de Loic", par exemple4.
  

Samedi 27.

   Passons a ma petite revue de Paris. Hier on a donne pour la premiere fois les "Lombardi" de Mr Verdi sous le nom de "Jerusalem" - au Grand-Opera. Le libretto a ete remanie; on y a ajoute une scene de degradation de chevalier pour Duprez. Mr Verdi de son cote a compose quelques nouveaux morceaux parfaitement detestables. Je ne vous parlerai pas de la musique: vous la connaissez; c'est le comble du mauvais5; mais ce qui est inimaginable - c'a ete l'execution. Non - il n'y a pas de theatre au monde, excepte l'Academie Royale de Musique6 - ou tous les chanteurs - s'ils avaient ete aussi mauvais que Mr Duprez, Alizard e tutti quanti - n'eussent ete ensevelis sous un Chimborasso7 de pommes cuites! La nouvelle debutante, Mme Julian n'a que deux ou trois notes passables dans le haut - qu'elle crie a tout rompre; le reste est lourd, inintelligible, part de la gorge - et puis, moi qui ai ete assez longtemps en Allemagne, je n'ai encore entendu personne prononcer aussi mal qu'elle. Le succes n'a pas ete si grand qu'on aurait du le croire, vu le nombre de chevaux et de danseuses qu'on a exhibes; - il est notoire qu'en fait de musique les Francais aiment les chevaux et les mollets des danseuses. Et puis - cet eternel "degueu-lando"8 comme disait votre frere9 (que j'ai rencontre furieux et pret a mordre les passants a la sortie) - ce soi-disant style large si commode pour ceux qui ne savent pas chanter, ces recitatifs emphatiques, ces choeurs uni-sono sur des themes de galop ou de polka.- Non, Madame, ne chantez pas a Paris; ce n'est pas votre place. Decidement il parait que le temps des genies forts et bien portants est passe: la force brutale et vulgaire se donne a des mep diocrites remuantes et productives comme Verdi - et ceux au contraire qui ont recu le feu divin se perdent dans l'oisivete, la faiblesse ou la reverie. Les Dieux sont jaloux; ils ne donnent a personne tout a la fois. Mais cependant - gourquoi nos: peres ont-ils ete plus heureux que nous? Pourquoi ont-ils assiste eux - a des premieres representations comme celles du "Barbier", voire meme de la "Norma"l0,- tandis que nous autres nous sommes condamnes a des "Jerusalem"? Pourquoi nos jeunes talents, nos esperances - au lieu de nous donner des oeuvres exuberantes, irregulieres, mais pleines de vigueur et de seve - accouchent-ils (tout au plus) de petits ouvrages bien arrondis, bien leches, bien finis? - (temoin Ponsard avec sa "Lucrece"11, Augier avec sa "Cigue"l2, David avec ses "Odes-Symphonies"l3). Que signifie cette vieillesse prematuree? Pourquoi se copient-ils eux-memes des leur second ouvrage? Pourquoi disent-ils si vite leur dernier mot? Voici par exemple Mr Etienne Arago qui vient de nous gratifier d'une comedie dans le meme genre, spirituelle sans doute ("Les Aristocraties"), mais vieille, reflechie, arrangee, combineel4. Pourquoi tout cela? Pourquoi n'y a-t-il plus rien de spontane, de primesautier, de fort en un mot? Que signifie cette absence de sang et de seve?
   Les pourquoi, dit le Dieu, finiront-ils jamaisl5?
   J'ai vu Bouffe dans la piece jumelle de M. Bayard dont je vous ai parle dans ma lettre. Eh bien! je ne change pas d'opinion. Je prefere Ferville. (Du reste, c'est l'avis de tout le monde).- Bouffe - ist auch ein Combinationsta-lent - comme disent les Allemands. Pardon de la liberte grande!
   Je n'ai pas encore pu voir "Cleopatre". Mlle fiachel est indisposee16. Je parcours maintenant le 2d volume de Michelet ou il y a de tres belles choses1?. Mme Sand a insere dans-le "Siecle" un article excessivement louangeur sur Louis Blanc. C'est desagreablement exagere...l8 Elle se prend de passion pour Louis Blanc maintenant... Nous savons comment tout cela finit chez elle.
   Demain il y a "soiree" chez moi! Toute la famille19 y sera! C'est que ma chambre peut contenir - 10 personnes - je vous prie de le croire. Mon espagnol va tres bien. Je le repete: tout va bien, mais tres bien, tres bien, comme dit Mr Fampoux. Mme votre mere est un peu etonnee de n?avoir pas recu de lettre aujourd'hui de vous, il est vrai que le service de la poste se fait bien mal dans ce pays. Les lettres de Dresde n'arrivent a Paris que le cinquieme jour: - aussi quand elles arrivent - vous imaginez-vous combien elles sont willkommen!
   Mille amities a votre mari, un bon baiser a la petite mJ Je vous serre bien amicalement la main et me recommande a votre souvenir.
   Vous allez a Hambourg - bon voyage! Portez-vous bien, tous

Votre tout devoue

J. Tourgueneff.

  

78. ПОЛИНЕ ВИАРДО

19 ноября (1 декабря) 1847. Париж

  

Paris, ce 1-er decembre 47.

Mercredi.

   Quand cette lettre vous parviendra, Madame, vous aurez deja, je l'espere, triomphalement debute a Hambourg et si je vous ecris maintenant, c'est que je ne veux pas que mes felicitations arrivent trop tard. Voici donc votre premiere campagne heureusement terminee.
   J'en etais la de ma lettre quand Madame votre mere a eu la bonte de me communiquer celle que vous avez ecrite le lendemain de votre representation de "Robert". Vous pouvez vous imaginer le plaisir que m'a cause tout ce qu'elle contenait! J'en ai saute de joie dans ma chambre. Ahl tres bien, Madame, tres bien, tres bien. Parmi tous vos triomphes vous n'oubliez pas vos amis de Paris, vous leur donnez de vos nouvelles; c'est que vous savez sans doute que personne au monde ne prend une plus grande part a tout ce qui vous arrive. Nous n'avons plus qu'a vous remercier: aussi, croyez-le bien, le faisons-nous souvent et de bon coeur. Nous attendons maintenant des nouvelles de "Norma" et de "La Somnambule" en nous rejouissant d'avance de vos triomphes1. Ah! que c'est bon de recevoir de bonnes nouvelles! Danke, danke...
   Voyons, que vous dirai-je de mon cote? Tout le monde se porte bien, voila pour le commencement. Je vais bientot recommencer mes lecons chez Mr Laborde que j'avais negligees jusqu'a present. Je travaille beaucoup. Un de mes amis, mais que ceci reste eatre nous, m'a montre une lettre de Gogol ou cet homme si dedaigneux et si difficile d'ordinaire parle avec beaucoup d'eloges de votre tres humble serviteur2. L'approbation de ce maitre m'a fait un grand plaisir. Dans l'"Illustrated London News" il y a un petit article sur votre debut a Dresde, ou l'on emploie les termes qutte astonishing, tremendous applause, an un-precedented furor, etc. etc. Tichatschek vous a certainement bien secondee. A-t-il mordu sa voix quelquefois? Qui aurez-vous a Hambourg? Dans une semaine il n'y aura pas de lecteur plus assidu que moi du "Hamburger Correspondent". Je ne me puis {Так в подлиннике.} m'empecher de vous repeter que tout va tres bien, mais tres bien (crachez trois fois, s'il vous plait). Je suis de la meilleure humeur qui se puisse voir. Imaginez-vous, je chante!!
   "Un caprice" a parfaitement reussi. Mme Allan y a ete charmante, un tout petit peu pedante... ou plutot... son jeu est un peu trop gras3. Si vous ne me comprenez pas (ce qui prouverait par parenthese que je ne me comprends pas non plus), mettez que je n'ai rien dit. N. B. Je chante en Finnois dans ce moment4.
   Hier j'ai vu "Cleopatre". Je ne comprends plus rien aux Parisiens. Je trouve cette piece insupportable, pretentieuse, fatigante, fausse, criarde, toute impregnee {Так в подлиннике.} d'un certain parfum de de {Так в подлиннике.} ce je ne sais quoi qui vous repugnait si fort dans les "Memoires du Diable"5 et cependant elle a du succes. Elle est bien versifiee: des petites pointes, des petites remarques soi-disant fines, des petites hardiesses, des petites gracieusetes par-ci, par-la, mais ca - une tragedie! Cleopatre commence par faire empoisonner un esclave qui lui a demande la mort pour une heure de bonheur et roucoule ensuite pour Antoine, pendant trois grands actes, comme une Parisienne enervee... et fort indecente, malgre tout! Les mots amour, faime, tu aimes, je suis aime, non, je ne suis pas aime reviennent sans cesse et vous fatiguent horriblement, car tout cela est faux, pretentieux, froid comme glace. Tout cela ne part ni du coeur ni meme de la tete: c'est un bas bleu de quarante ans qui s'agite laidement devant vous. C'en est degoutant, je vous assure. Rachel a des costumes magnifiques; elle trouve des poses admirables, mais decidement elle baisse. Il m'a ete impossible de saisir une parole de vers. Il est vrai que j'etais au fond de la salle. Le succes de "Cleopatre" n'est pas tres grand, malgre ce qu'en disent les journaux; je ne lui donne pas un mois JLyivre. Mais voyez les heroines que choisit Mme de Girardin: Judith6 et Cleopatre. Voyez-vous ce qu'il y a de vilain la-dedans? Car, Dieu merci, ce n'est ni<le> cote biblique de la legende de Judith ni le spectacle etonnant de la chute de la republique romaine qui ont attire son attention suj ces sujets. (Faut-il dire: ont attire? Je ne sais pas, comme dit le comte Wielhorski.) Du reste, comme mes lettres ne sont pas destinees a l'impression... etc., etc. Chanson finnoise.
   Vous me trouverez peut-etre assez bete et fort decousu. Je suis toujours comme ca quand je suis de bonne humeur. Je le serais bien davantage, de bonne humeur, je vous eh reponds, si j'avais pu hier soir etre a Dresde au lieu de Paris! C'est hier, n'est-ce pas, que vous avez chante "La Somnambule"? J'y pensais bien souvent pendant cette interminable "Cleopatre", et si j'ai applaudi quelqu'un, ce n'etait pas Rachel. Enfin, pazienza.
   Vous voila donc a Hambourg. Eh bien, comment vous plait cette ville? Ou logez-vous? Sur le Jungfernstieg probablement?
   Mais decidement je bavarde comme une pie. Il est temps de clore mon bec. (Mlle Alboni debute demain dans la "Semiramide"7.) Dans un mois, je vous promets, Madame, de vous ecrire une lettre en espagnol, et soignee, je vous en reponds. Mille amities a votre mari. Louise, je t'embrasse de tout mon coeur. Et vous, Madame, je vous serre bien amicalement la main, je vous remercie most fervently de votre bon souvenir et reste a jamais

Votre tout devoue

J. Tourgueneff.

  
   P. S. Avez-vous recu une lettre de moi adressee a Dresde ou je vous parlais entr'autres de l'opera de Verdi 8? Adieu encore une fois, a revoir.
  

79. ПОЛИНЕ ВИАРДО

26 ноября (8 декабря) 1847. Париж

  

Paris, le 8 decembre 47.

   Je commence par vous remercier, Madame, pour la bonne et charmante lettre que Madame votre mere m'a remise de votre part. Vous faites bien de vous souvenir de vos, vieux amis; ils vous en sont tellement reconnaissants! Danke, danke.
   Tous les details que vous nous donnez de votre vie a Dresde sont lus et relus mille fois; les Dresdenois sont decidement un bon peuple... Je vous avouerais cependant que les petites mesquineries de ce M-r Bank m'ont un tan|, toit peu vexe... ce M-r Truhn. En verite, j'ai honte de le dire, mais ne pourrait-on pas, fi! je n'acheve pas ma phrase et vous demande pardon d'avoir prononce ce nom. Passons a autre chose.
   Et avant tout, il faut que je vous dise que "maman" se porte tres bien et Mlle Antonia aussi; et Mme Sitches aussi; le papa Sitches tousse un peu, mais ce n'est pas du tout etonnant. Des 900 000 mille {Так в подлиннике.} habitants de Paris, il y en a 899 999 qui ont la grippe, et le seul qui ne l'ait pas, c'est Louis-Philippe, car ce monsieur a tous les bonheurs1. Cependant, pardon! je m'oubliais; je n'ai pas la grippe non plus; mais c'est que moi aussi, je ne puis pas me plaindre de mon sort. Su hermano de Vd va tres bien de meme; il a fait magnifiquement relier un exemplaire de sa methode, qu'il destine a la reine Christine, pour qu'elle apprenne a sa fille l'art de faire des fioritures et des transpositions2. A propos de musique, j'ai entendu Mlle Alboni dans "Semiramide". Elle y a eu un tres grand succes. Sa voix a entierement change de caractere depuis Petersbourg; de brutale qu'elle etait, elle est devenue molle, trop molle; elle chante a la Rose Cheri, maintenant; elle fait bien les agilites; le timbre de sa voix est excessivement doux et insinuant, mais pas d'energie, pas de mordant. Comme actrice, elle est nulle; sa figure placide et grasse se refuse a toute expression dramatique; elle se borne de temps en temps a froncer peniblement le sourcil. Ce qu'elle a dit de mieux a ete le "In si barbara sciagura". Les Parisiens en sont enchantes. Mme Grisi, talonnee par l'emulation, s'est surpassee; elle m'a vraiment fait plaisir3. Coletti n'a pas ete mauvais non plus, quoique, en general, je trouve qu'il chante en pere de famille. Hier, je suis alle, avec le jeune Leroy d'Etioles, a l'Opera-Comique; on y donnait "La Dame blanche"4. Quelle jolie musique, galante, spirituelle et chevaleresque! C'est moins brillant, mais peut-etre plus francais encore qu'Auber; Boieldieu est pale quelquefois, mais jamais vulgaire (ce qui n'arrive que trop souvent au papa de "La Muette")5. Roger a chante avec une fatuite et une pretention inconcevables. Vernet m'a fait un tres grand plaisir dims la vieille piece: "Le Pere de la debutante". Tous les acteurs francais sont essentiellement realistes, mais personne ne l'est aussi finement, aussi "brovontement", dirait un Allemand, que Vernet. Il contente a la fois l'instinct eb l'esprit du spectateur; il transporte d'aise le connaisseur, il fait rire et il fait sourire. Quel dommage qu'il se fasse vieux! Voila quelqu'un qui s'entend a creer6.- Il y a des artistes qui parviennent a se debarrasser de leur individualite; mais a travers la personne qu'ils representent, on voit cependant l'acteur qui s'efface, qui s'observe... et cette espece de contrainte reagit sur vous. Vous etiez encore ainsi a Petersbourg, mais deja alors votre talent brisait ses dernieres entraves (je me rappelle maintenant les premieres representations de "La Somnambule"), et depuis?..7 Vous avez eu la bonte de dire dans votre lettre que vous prefereriez aux louanges dont on vous accable le serrement de main d'un ami... je crois bien que j'aurais voulu vous serrer la main apres la representation des "Huguenots", comme a Berlin avec Muller. Se acuerda Vd.? (A propos, sa-vez-vous que mon maitre d'espagnol est tres content de moi? Je ne parle plus que cette langue a la rue Michodiere, n®8.)
   Est-ce que les dames Kamienska (dont par parenthese nous sommes un peu jaloux ici) ne viendront pas a Berlin pour le temps que vous y sejournerez? Je parie que cette idee leur est deja venue. Ce ne serait pas deja si surprenant.
   Vous me dites que vous vous etes mise a lire "Uriel Acosta", de Gutzkow8. N'est-ce pas que ce phantome, que cet ouvrage penible d'un homme d'esprit sans talent, tout farci d'allusions et de preoccupations politiques, religieuses et philosophiques, vous a deplu? Et puis, tous ces effets criards, ces coups de theatre,- y a-t-il quelque chose de plus degoutant qu'une brutalite qui n'est pas naive? L'ombre de Shakespeare pese sur les epaules de tous ces auteurs dramatiques; ils ne peuvent se defaire de leurs reminiscences; ils ont trop lu, les malheureux, et pas du tout vecu! Ce n'est qu'en Allemagne qu'il a ete possible qu'un ecrivain deja connu (M. Mundt, le mari de la soeur de Millier) se soit vu reduit a afficher dans les gazettes qu'il desirait une epouse (ce fait est litteralement vrai). On no peut plus rien lire par le temps qui court. Gluck disait d'un opera qu'il puait la musique (puzza musica). Tou's' les ouvrages qu'on fait aujourd'hui puent la litterature, le metier, la convention. Pour trouver une source encore vive et pure, il faut remonter bien haut. Le prurit litteraire, le bavardage de l'egoisme qui s'etudie et s'admire soi-meme, voila la plaie de notre temps. Nous sommes comme les chiens qui retournent a leurs vomissements. C'est l'Ecriture qui le dit, naivement, cette fois. Il n'y plus ni Dieu ni Diable, et l'avenement de l'Homme est encore loin. Je regrette beaucoup que nous n'ayons pas eu le temps de lire a Paris "Promethee"... Oserais-je vous prier de ne pas le lire sans moi? II y a encore Feuerbach, dont j'aurais voulu faire la connaissance. Parmi tout ce qui ecrivaille maintenant en Allemagne, c'est le seul homme, le seul caractere et le seul talent9. Voici encore un b"n et bel ouvrage, et pas litteraire, Dieu merci! le 2-d vol<ume> de "La Revolution francaise", par Michelet. Cela part du coeur, il y a du sang, de la chaleur la-dedans; c'est un homme du peuple qui parle au peuple,- c'est une belle intelligence et un noble coeur. Le 2-d volume est infiniment superieur au premier. C'est tout l'inverse pour le livre de Louis Blanc10.
   Je crains cependant que ma lettre ne devienne trop longue, et, malgre tout le plaisir que j'ai a babiller devant vous, je ne voudrais pas abuser de votre complaisance. Je n'ajouterai plus que quelques mots. Je mene ici une vio qui me plait excessivement: toute la matinee je travaille; a 2 h. je sors, je vais chez maman ou je reste une demi-heure, puis je lis les journaux, je me promene; apres diner, je vais au theatre ou je retourne chez maman; le soir, quelquefois, je vois des amis, surtout M. Annenkoffll, un charmant garcon aussi fin d'esprit qu'il est gros de corps; et puis je me couche, et voila. Savez-vous qu'il y a aujourd'hui juste un mois que vous etes partie?
   Adieu, Madame!., je vous souhaite tout ce qu'il y a de meilleur au monde. Rappelez-moi, s'il vous plait, au bon souvenir de votre mari; je vais lui ecrire un de ces jours; j'espere qu'il se porte a merveille. Nous attendons avec impatience de vos nouvelles. Embrassez Louise de ma part. Je vous serre la main bien amicalement, et je reste pour toujours

Votre devoue

Iv. Tourgueneff.

  
   P. S. Je... Mais non decidement, j'aurais trop de choses encore a vous dire; je prefere me taire. Je profite cependant de cette occasion pour vous resouhaiter tout ce qu'il y a de meilleur au monde.
  

80. ПОЛИНЕ ВИАРДО

2 (14) декабря 1847. Париж

  

Paris, 14 decembre 47.

   Bravo, Madame, bravo evviva! Je ne puis commencer ma lettre autrement. Encore une grande victoire! Vous avez fait a Dresde et a Hambourg ce que la Diete vient de faire contre le Sonderbund; apres avoir enfonce les ailes vous allez mettre le centre (Berlin) en pleine deroutel. Et puis vous irez comme Cesar a la conquete de la Grande-Bretagne2.- (Tudieu - quel ton epique!) - Vous nous avez fait aussi beaucoup de plaisir en nous racontant votre voyage de Berlin a Hambourg. En general - ce qu'il y a surtout de charmant dans les lettres que vous ecrivez a Mme vqtre mere - ce sont les details que vous nous donnez... Les details - mais c'est le coloris, la lumiere du tableau; ne nous envoyez pas des simples dessins ou des grisailles. Chacune de vos lettres est relue une dizaine de fois,- toujours deux fois de suite a haute voix. (C'est moi qui fais l'office de lecteur.) Et puis apres l'avoir devoree en blcc - on se met a l'eplucher par-ci, par-la; l'appetit revient en mangeant - et on recommence. Je ne puis vous cacher que vous faites des fautes d'orthographe en espagnol! Ma's ce n'est qu'un charme de plus... (corps penche en avant, sourire aimable, pied droit en arriere... chanson finnoise3.)
   A propos - il y a encore une chose dans vos lettres qui nous rend bien contents: c'est de voir que vous vous portez bien. (Je crache trois fois!) Aussi - ne fut-ce que par emulation - nous nous portons tous tant que nous sommes a merveille.- Ce que c'est que l'emulation!
   Je regrette de me voir force de vous le dire, Madame, mais cette fois-ci je n'ai absolument aucune nouvelle interessante a vous communiquer.- Toute cette semaine je ne suis presque pas sorti de chez moi; j'ai travaille a force; jamais les idees ne m'etaient venues si abondamment; elles se presentaient par douzaines. Je me faisais l'effet d'un pauvre diable d'aubergiste de petite ville qui se voit tout a coup assailli par une avalanche de visiteurs: il finit par perdre la tete et ne plus savoir ou loger son monde. - Avant-hier j'ai lu une des choses que je venais de terminer a deux amis russes; ces messieurs ont ri a se tordre... Ca me faisait un effet extremement etrange et fort agreable... Decidement, je ne me savais pas si drole que ca.- Et puis il ne suffit pas de terminer une chose, il faut la copier (voila une corvee!) et l'expedier... Aussi les editeurs de ma Revue vont-ils encore ouvrir de grands yeux en recevant coup sur coup des gros paquets de lettres! - J'espere qu'ils en seront contents4, je prie bien humblement mon bon ange (tout le monde en a un, a ce qu'on dit) de continuer a m'etre favorable - et je vais continuer de mon cote a abattre de la besogne. C'est une excellente chose que le travail.
   Ecoutez, Madame. Si apres la reception de cette lettre, vous avez encore a chanter "Le Barbier", intercalez-y l'air de Balfe... Je veux qu'on me pende si le public ne casse pas les banquettes5. Je connais les Hambourgeois (Ich ken-ne meine Pappenheimer6), il leur faut quelque chose d'epice.
   (N. В.- Depuis quelques jours - tout en ecrivant - je ne fais que chantonner l'air de Loic7. Ah mon Dieu! et ma chevriere! - Vous l'aurez, Madame, vous l'aurez a Berlin8. Je vous en donne ma parole d'honneur.)
   Depuis deux a trois jours nous avons ici un temps su-perte. Je fais de grandes promenades avant diner aux Tuileries. J'y regarde jouer une foule d'enfants, tous charmants comme des amours, et si coquettement habilles. Leurs caresses gravement enfantines, leurs petites joues roses mordillees par le premier froid de l'hiver, l'air placide et bon des bonnes, le beau soleil rouge a travers les grands marronniers,- ces statues, ces eaux dormantes, la majestueuse couleur gris-sombre des Tuileries - tout cela me plait infiniment, me repose et me rafraichit apres une matinee de travail. J'y reve - non pas vaguement - a l'allemande... j'y reve a ce que j'ai fait, a ce que je vais faire, je me souviens... Je ne manque jamais (c'est a dire les 3 ou 4 fois que j'y ai ete) d'aller faire ma visite au Lion de Barye - qui se trouve a l'entree des Tuileries du cote de la riviere - mon groupe favori9. Le soir je vais chez "bonne maman". Nous y avons passe il y a quelques jours - cinq ou six heures avec Manuel - a faire mille extravagances... Cela nous a fait penser a Courtavenel, a Mascarille, a Jode-let etc., etc., etc., etc.10 Vous n'etes pas la seule qui y pensiez, Madame... Vous souvenez-vous du jour, ou nous regardions le ciel si pur a travers les feuilles dorees des trembles... Vous souvenez-vous... Ah, mais je n'en finirais pas si je me mettais sur ce chapitre.
   Mon Dieu, que c'est donc beau l'automne... pas quand il fait, sale et crotte - (vos pflia, pflia sont parfaits de verite) - mais quand le ciel est bien transparent, bien pacifique... Il y a du Louis XIV vieillard dans un beau jour d'automne... Vous allez vous moquer de ma comparaison..; Eh bien tant mieux! Riez meme, riez aux eclats - a montrer toutes vos dents - vous savez ce que vous disait votre vieux Monsieur de Mecklembourg sur la route de Berlin a Hambourg11.
   J'ai promis a Madame votre mere de lui porter ma lettre - il faut lui laisser de la place. J'aurais du y penser d'avance et resserrer davantage mes lignes. C'est pour le coup que vous aurez le droit de me nommer bavard.
   Je vais ecrire l'un de ces jours une lettre a votre mari. Le 2d vol. de Michelet est un chef-d'oeuvre12. Louis Blanc se couvre de ridicule par sa querelle avec Eugene Pelletanl3.- Je salue bien amicalement le grand chasseurl4. Je pense souvent a Louise pendant mes promenades aux Tuileries - et je l'embrasse bien fort. Que Dieu vous conserve tous! Je vous souhaite tout le bonheur imaginable, je vous serre fortement la main, je vous refelicite et je reste

Votre ami devoue

J. Tourgueneff.

  
   P. S. N'ayant pas trouve Mme votre mere a la maison, je ferme cette lettre de peur de retard. J'ecris cela dans la boutique d'un epicier et je vais cacheter ma lettre avec sa cire et le sceau de ses armes.
  

81. ПОЛИНЕ ВИАРДО

7 (19) декабря 1847. Париж

  

19 decembre 47. Paris.

   Madame - j'avais commence, il y a quelques jours - une lettre fort triste (Dieu sait pourquoi!) que j'ai bien fait de ne pas achever.- Je ne vous en parle meme que pour mem

Категория: Книги | Добавил: Anul_Karapetyan (24.11.2012)
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