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Тургенев Иван Сергеевич - Письма (1831-1849), Страница 18

Тургенев Иван Сергеевич - Письма (1831-1849)



arcourus - mais lus, ce qui s'appelle lus.- A propos de livres - il faut que Viardot sache que je lui ai arrange sa bibliotheque - que es un primor. De son cote Jean ne fait que frotter, laver, nettoyer, huiler, epousseter, balayer et cirer du matin au soir. Ah si le jardinier lui ressemblait!
  
   Mardi.
   Vous ignorez probablement, mais vous le saurez quand je vous le dirai que je ne me couche jamais avant minuit. Eh bien - hier - j'allais quitter le salon, quand j'ai tout a coup entendu deux profonds soupirs bien distincts, qui ont retenti - ou plutot passe comme un souffle a deux pas de moi.- Sultan etait couche depuis longtemps - j'etais parfaitement seul. Cela m'a donne une legere horri-pilation.- En traversant le corridor, je me suis demande ce que j'aurais fait, si j'avais senti une main tout a coup saisir la mienne: et j'ai du m'avouer que j'aurais pousse un cri d'aigle.- On est decidement m'oins brave la nuit que le jour.- Je voudrais savoir si les aveugles ont peur des revenants? - Avant de me coucher je fais chaque soir une petite promenade dans la cour.- Hier je me suis place sur le pont et j'ai ecoute: voila les differents sons que j'ai entendus:
   Le bruit du sang dans les oreilles et la respiration.
   Le frolement, le chuchotement continuel des feuilles.
   Le cri des cigales; il y en avait quatre dans les arbres de la cour.
   Des poissons venaient faire a la surface de l'eau un petit bruit, qui ressemblait a un baiser.
   De temps en temps une goutte tombait avec un petit son argentin.
   Une branche se cassait - qui l'avait cassee?
   Ce bruit sourd - sont-ce des pas sur la route? Est-ce le murmure d'une voix?
   Et puis tout a coup le soprano suraigu d'un cousin, qui vient vous tinter a l'oreille...
   A propos de cousins, les rougets me devorent cette annee. Depuis quelques jours j'en suis plein et je me gratte a haute voix.
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   A propos - ou non au contraire - cela ne fait rien. Il faut que je vous dise qu'ayant trouve sous le tapis vert du piano votre gros livre de musique, je me suis permis de l'ouvrir et de le parcourir.- Malheureusement ma main droite ne joue pas assez bien du piano pour pouvoir me donner ne fut-ce qu'une idee de la melodie; cependant j'ai tache do dechiffrer certains morceaux que vous ne nous avez jamais chantes.- Autant que je puis en juger, vous avez ete distinguee de tout temps; mais ce que vous faisiez auparavant etait bien moins franc. - P<ar> e<xemple>: je trouve la premiere phrase de "L'Hirondelle et le prisonnier" charmante: "Hirondelle gentille, qui voltige a la grille du cachot noir - Vole, vole sans crainte, Autour de cette enceinte" - c'est tres bien jusqu'ici; mais "j'aime a te voir" - ca me reste dans le gosier comme un os; j'ai beau le chanter en voix de poitrine, en voix de fausset, en fermant les yeux et en inclinant un peu la tete sur l'epaule, comme on fait quand on veut juger avec impartialite - impossible! - Il y a surtout cet ut qui me desole. J'ai mfme essaye de le remplacer: impossible, toujours aussi impossible! - Et ecommer-cernent de la phrase est si joli! - C'est egal - je prefere la "Luciole" ou "Marie et Julie" ou "La Nuit et le Jour".- Be qui sont les paroles intitulees "Songes"16? Il y a la trois vers qui me plaisent bien:
  
   Ou languissante et blessee
   On voit dans l'onde glacee
   Tomber la biche aux abois.
  
   Je ne sais pourquoi - mais il me semble voir les grands arbres bruns {Далее зачеркнуто: depouilles}, la terre couverte de givre, les feuilles mortes jonchant l'allee et la surface du petit etang immobile, la biche qui tombe sur le bord et les chiens qui arrivent de loin et dont les aboiements retentissent joyeusement dans l'air clair et sec.- Allez-vous composer cette annee-ci? - J'ai essaye deux ou trois fois de faire des paroles - mais helas - mon Pegase n'est plus qu'un vieux cheval couronne qui ne peut faire un pas.- L'autre jour je vois un corbeau gris dans les champs: l'aspect de ce compatriote m'emeut; je lui ote.mon chapeau et lui demande des nouvelles de mon pays.- Eu -verite j'etais presque touche. Tiens, me dis-je, faisons une jolie petite piece de vers la-dessus. Quelque chose de simple, de gracieux - enfin faisons du Be-ranger17 -?quoi!- Je nie suis battu les flancs pendant deux heures sans pouvoir seulement rimer deux vers.- Enfin le desespoir m'a pris et voici ce dont je suis accouche:
  
   Corbeau, corbeau
   Tu n'es pas beau,
   Mais tu viens de mon pays:
   Eh bien! retoume-z-y.
  
   Je doute fort que vous mettiez cela en musique.
   En fouillant dans les cahiers de musique, j'ai trouve deux cahiers ou il n'y en avait point: c'etaient des poesies russes, copiees par vous et le commencement d'une grammaire.- Ca m'a semble bien drole tout de meme. Seriez-vo; s encore en etat de lire ce que vous y avez ecrit? - Ces!: a Vienne n'est-ce pas, avec Mr Sollogoub, que vous vous etes occupee de cela? -
   Вы понимаете по-русски? Или уже позабыли? Voyons: qu'est-ce que c'est que cela?
   Je bavarde aujourd'hui comme une pie restee vieille fille... A propos, savez-vous que j'ai lu dans les lettres de L<ady> Montague qu'en Turquie une jeune fille morte fille - est censee se trouver dans un etat de reprobation, la femme etant sur terre pour faire des petits18?- Voyez-vous - le bon et le mauvais - c'est comme l'Orient et l'Occident: ce qui est a l'Orient ici est a l'Occident plus loin: c'est selon le point ou l'on se trouve.
   Ainsi donc Mlle Antonia est devenue depuis hier Mme Leonard19. Ah! vous ne pourrez plus la faire manger a table plus qu'elle ne l'aurait voulu! Je ne pouvais m'empecher de rire sous cape quand je vous voyais un air grave pour lui faire avaler le reste d'une cotelette: - Mme Pauline Viardot: "Antonita, vamos..." Mme Garcia (avec beaucoup de precipitation et d'energie): "Come, come, tu no cornes nada" - Mr Sitehes (en secouant un peu la tete): "Es me-nester corner, hija". Mlle Antonia (avec vivacite): "Sea, por el amor de Dios, padre".- Mais je babille trop. A demain.
  
   Mercredi soir.
   Imaginez-vous ce qui m'arrive! J'avais l'intention ce matin d'achever cette quatrieme page et de vous envoyer la lettre - (d'autant plus qu'il y a une semaine que je vous ai ecrit pour la derniere fois) - voila tout a coup qu'on annonce le frere de Mr Fougeux, qui vient s'installer ici jusqu'a 5 heures! Et moi, stupide, au lieu d'envoyer tout bonnement cette lettre inachevee - (elle n'est deja pas mal longue) - je n'en fais rien - je remets a demain.- Cette quatrieme page m'a retenu - pourquoi? Je ne le saurais dire.- Enfin - je vous en demande pardon - et pour vous prouver la sincerite de mon repentir, je m'engage a ecrire une feuille de plus! - Mais grand maladroit que je suis! Je deviens stupide, ma parole d'honneur! Comme si c'etait une tache pour moi que de vous ecrire... Allons, allons, je patauge, je m'embrouille - qu'on me jette a la porte et qu'il n'en soit plus question.
   Mais je rentre par la fenetre et je continue.
   Je commence par vous remercier mille fois pour votre charmante lettre; je l'ai lue et relue.- Je vous avoue que je n'aurais pas ete fache de vous voir faire Fides en italien20; mais quand on est gueux comme Job, on ne peut pas penser a des excursions en Angleterre! Ah, Mr Louis Blanc... - mais c'est un charmant homme et je vais relire ses livres.- Fides est donc alle aux nues... tant mieux, tant mieux.- J'en suis bien content, parole d'honneur. Attendez, je vais me lever et faire une cabriole en signe de rejouissance.- Voila qui est fait.- Vous avez la bonte de demander des nouvelles de ma sante - je me porte a merveille et je prie Dieu de veiller sur vous! - Oh oui.- Soyez bien portante, soyez heureuse, gaie, contente, admiree, aimee, celebre: je sais bien que vous etes tout cela - mais cela ne m'empeche pas de me donner le plaisir de vous le souhaiter...
   Attendez: je vous ai enumere tous les ouvrages que j'ai lus; mais vous me demanderez peut-etre si je n'ai fait que lire. Madame, j'ai fait une comedie en un acte; Madame, je vous jure par les manes de mes ancetres, qui etaient probablement des Tatars, laids comme des boucs et puants comme des singes - que j'ai ecrit, copie et expedie une comedie en un acte, une comedie de 50 pages21! Et la traduction? direz-vous? - Ah, voila. Imaginez vous qu'en partant pour Courtavenel - au lieu du cahier qui renferme ma premiere comedie22, j'en emporte un autre! - Ca a ete meme, je vous l'avoue, la seconde raison de mon voyage a Paris: je voulais rapporter le bon cahier. Mais a mon grand etonnement j'appris rue Laffitte n® И que Mme Sitches avait emporte les clefs de son appartement a Bruxelles23 - a telles enseignes que je dus me promener tout le jour, mon chapeau gris sur la tete, ce qui faisait sourire les passants qui me prenaient pour un rapin vieux et gras. N'ayant pas de cahier je ne puis faire de traduction; mais dans 5 ou 6 jours - apres le retour de Mme Sitches j'irai a Paris pour 24 heures et je rapporterai le cahier.- Je serais alle a Paris rien que pour cela - mais j'ai encore autre chose a y faire.
   Et mon argent qu'on s'obstine a ne pas m'envoyer!! Pour en revenir a Mr Fougeux frere, il faut avouer que jamais personne ne m'a scie le dos comme lui; il a fini par me reciter par coeur des fragments de Rousseau et de La Bruyere. "Monsieur - me disait-il - remarquez cette phrase: "Un trone'etait indigne d'elle"24"; et il la repetait quarante fois: "Voila une idee, on sait a quoi s'en tenir. Voila une idee enfin. Voila une idee". Je finissais par lui achever ses phrases; mais il les reprenait. Pourquoi se donne-t-on tant de peine d'etre bete? - C'est vrai: je crois que personrie n'est bete naturellement - mais a force d'art on parvient a tout.- J'ai vu le moment ou il allait rester diner. - C'est que je dine savez-vous?.. Comment? je n'en sais rien - mais je dine et tres bien. J'espere bien le savoir un jour, quand j'aurai de l'argent. Dites-moi - votre costume de Fides - (je ne parle pas du premier) est le meme qu'a Paris - n 'est-ce pas?
   Vous avez raison dans ce que vous me dites a propos de votre buste; cependant un sculpteur de talent pourrait en faire une belle chose. Si l'on fait des lithographies ou des gravures de Fides a Londres, rapportez-les.- Je serais bien content de recevoir une lettre de Chorley. Et vous etes bien bonne de me dire ce que vous me dites. Jeudi.
   Il a fait un orage cette nuit avec de grands coups de tonnerre; le feuillage des arbres est encore tout trouble pour parler a la Chenier; l'air est rafraichi et extremement doux.- Je m'attends a recevoir aujourd'hui une lettre de Mr et Mme Sitches, qui m'annonce leur arrivee.- Cour-tavenel n'a jamais ete aussi propre, grace aux soins paternels de Jean.- Il parait que Mlle Berthe va venir aussi.- Un levreau d'une assez jolie taille s'est noye avant-hier dans les fosses.- Comment et pourquoi? C'est ce qu'on ne saurait dire. Se serait-il suicide? - Cependant, a son age on croit encore au bonheur. Du reste il parait qu'on a vu des exemples d'animaux se suicidant. Il parait qu'un chien s'est noye expres en Angleterre - mais en Angleterre cela se concoit.- Je ne devrais pas medire de ce pays-la - apres tout; je crois qu'on vous y aime.- Le nom de Mrs Jameson - ne m'est pas inconnu; je crois qu'elle fait des romans historiques. Ne trouvez-vous pas que la remarque suivante faite par Lady Montague en 1717 a Paris - est encore juste maintenant: "Very commonly the entrance of a gentleman or a lady into a room is accompanied with a grin, which is designed to express complacence and social pleasure, but really shows nothing more than a certain contortion of muscles that must make a stranger laugh. The French grin is equally remote from the chearfull serenity of a smile and the cordial mirth of an honest English horse-laugh"25. On peut remarquer la meme chose quand deux personnes se quittent ou s'abordent dans la rue; le changement subit de la contenance me frappe toujours. Du reste tout le monde le fait - (les Anglais exceptes) moi tout le premier.- Or, voyez ce que peut l'influence de l'homme!- Le chien, qui est l'animal qu'il a le plus corrompu, a fini par imiter ces contorsions affectees et ridicules; je suis persuade que la maniere dont ces animaux s'abordent n'est pas dans leur nature; c'est le fruit de la civilisation. Mais les imitateurs ayant la rage d'outrer toujours, au lieu de sourire en montrant les dents et clignant les yeux,- eux... Je n'ai pas besoin d'achever: rappelez vous le dessin hardi de votre frere.
   A propos de votre frere, dites-lui que je lui serre la main bien fortement.- Dites-lui surtout qu'il faut etre de bonne humeur, ne fut-ce que pour la sante - quitte a briser quelque meuble de temps en temps. Sait-il deja speak English? - Et l'allemand? - Il l'a probablement abandonne.- Sans cela je lui dirais que ce n'est pas pour rien qu'on dit Geld verdienen; car verdienen vient de dienen.
   Je fais tous les jours une grande promenade avant diner, accompagne de Sultan.- Je crains bien que cette annee il n'y ait moins de gibier que les annees precedentes... Les grandes pluies du mois de juin ont fait beaucoup de tort aux couvees.- Je trouve souvent des couples de perdrix sans petits.- Savez-vous que les perdrix jouent tres bien la comedie? - Elles savent tres bien feindre d'etre blessees, de pouvoir voler a peine, elles crient, elles piaillent - le tout pour attirer le chien apres elles et le detourner de l'endroit ou se trouvent les petits.- L'amour maternel a failli couter bien cher avant-hier a l'une d'elles: elle a si bien joue son role que Sultan l'a happee.- Mais comme c'est un perfect gentleman, il n'a fait que l'humecter de sa salive et lui oter quelques plumes; j'ai rendu la liberte a cette mere courageuse et trop bonne actrice26.- Ce que s'est cependant que le theatre! - Voila un acteur qui m'emeut, qui me fait verser des larmes; il se met a pleurer lui-meme - et me fait rire peut-etre.- Et cependant s'il ne fait que jouer, que feindre, je ne crois pas qu'il puisse m'emouvoir completement: il faut a ce qu'il parait, un certain melange de nature et d'art... Vous devez le savoir.- Eh bien! non, vous ne le savez pas - ou du moins, vous ne sauriez l'expliquer - malgre que vous soyez the subtlest tragedian of the world.- Decidement on ne fait tres bien que ce dont on ne peut se rendre entierement compte - c'est pour cela qu'il vous arrive de courir apres vous-meme.- En poussant cette maxime jusqu'au paradoxe on peut dire que pour bien faire quelque chose, il faut ne pas le savoir. Le facteur est venu - et pas de lettre de Paris.- Ce sera alors pour demain.-Sur ce je vous salue tous tant que vous etes a commencer par Viardot.- Que Dieu vous benisse et veille sur vous. Je vous serre bien cordialement la main.- A revoir.

Votre tout devoue J. T.

  

121. ПОЛИНЕ ВИАРДО

30, 31 июля 1, 2 августа (11, 12, 13, 14 августа) 1849. Куртавнель

  

Courtavenel.

Samedi, 11 aout 49.

   Bonjour, Madame. Guten Tag, liebstes, bestes, theuer-stes Wesen.- Eh bien! je continue a rester seul a Courtavenel et je viens de recevoir une lettre de Mlle Berthe, dane laquelle elle me dit qu'elle attend de jour en jour l'arrivee de Mr et Mme Sitches. J'espere que Mme Garcia va venir aussi; que ferait-elle toute seule a Bruxelles? -
  
   Dimanche.
   Depuis hier je suis mere, je connais les joies de la maternite, j'ai une famille! Trois charmants petits jumeaux, doux, caressants, gentils, que je nourris moi-meme et que je soigne avec un veritable plaisir.- Ce sont trois petits levreaux que j'ai achetes a un paysan. Pour les avoir j'ai donne mon dernier franc! - Vous,ne sauriez croire combien ils sont jolis et familiers.- Ils commencent deja a grignoter les feuilles de laitue que je leur presente, mais leur nourriture principale est du lait.- Us ont l'air si innocent et si drole quand ils relevent leurs petites oreilles. Je les tiens dans la cage, ou nous avions mis le herisson. Ils viennent a moi des que je leur tends les mains, ils grimpent sur moi, ils me farfouillent dans la barbe avec leurs petits museaux, ornes de longues moustaches.- Et puis ils sont si propres; tous leurs mouvements sont si gentils. Il y en a un surtout, le plus gros qui a un air grave a mourir de rire.- Il parait que je suis devenu non seulement mere, mais vieille femme - car je rabache.- Malheureusement ils seront deja assez grands le jour de votre arrivee; ils perdront de leur grace.- Enfin, je tacherai qu'ils fassent honneur a mon education.
   J'ai dine hier chez Fougeux.- Eh bien! son frere n'est pas si ennuyeux que je l'avais cru: il le devient moins quand on le connait davantage - ce qui est consolant.- Fougeux est un tres bon diable; il est ne grand-pere. Et il n'est pas marie! - Je suis alle et revenu sur le dos de Gomorn, qui a encore le pied assez sur pour son age. Il faisait noir dans la foret de Blandureau. (Je suis revenu a 9 heures.)
  
   Lundi.
   J'ai fait cette nuit un reve assez drole - comme j'en fais quelquefois; je vais vous le raconter.- Il me semblait que je marchais le long d'une route bordee de peupliers. Il faisait sombre, j'etais tres fatigue et pour arriver au gite il fallait chanter cinq cents fois de suite: "A la voix de ta mere..." Je me hatais d'en finir avec ma tache et j'en perdais le compte: vous savez comme l'on s'obstine en reve.- Tout a coup je vois venir a moi une grande figure blanche qui me fait signe de la suivre; je me dis: Tiens! c'est mon frere Anatole (je n'en ai jamais eu de ce nom-la), je trouve cela tout naturel et je le suis.- Quelques instants plus tard il me semble que nous sommes exposes a un grand vent: je jette un regard autour de moi; et malgre l'obscurite je puis distinguer que nous nous trouvons sur la cime d'un rocher extremement eleve et donnant sur la mer.- Mais ou allons nous? demande-je a mon conducteur.- Nous sommes des oiseaux, repond-il - partons.- Comment? des oiseaux, repliquaisje.- Mouchez-vous - me dit-il. En effet, je veux me moucher et je trouve un long bec au beau milieu de mon visage avec une poche au-dessou: comme chez un pelican. Mais dans ce moment-meme le vent m'enleve. Je ne saurais vous decrire le fremissement de bonheur que j'eprouvai en deployant l'envergure de mes grandes ailes; je montai contre le vent en jetant un grand cri de triomphe - et puis je me lancais en bas vers la mer - en frappant l'air par saccades, comme le font les mouettes. J'etais oiseau dans ce moment-la, je vous assure - et maintenant, a l'heure que je vous ecris, je n'ai pas un souvenir plus distinct de mon diner d'hier que de mes sensations d'oiseau: c'est parfaitement clair et net, non seulement dans la memoire de ma cervelle si l'on peut s'exprimer ainsi - mais dans celle de tout mon corps - ce qui prouve que la vida es sue-no - y el sueno es la vida1. Mais ce que je ne saurais vous peindre, c'est le spectacle qui se deroulait autour de moi, pendant que je planais ainsi dans l'air: c'etait la mer, immense, agitee, sombre, avec des points lumineux ca et la - des vaisseaux a peine visibles glissant sur les vagues, des hautes falaises; parfois un grand bruit montait jusqu'a moi, - je me laissais tomber.-Le mugissement devenait plus distinct et me faisait peur - je remontais dans les nuages qui me semblaient rouler avec fracas, chasses par le vent.- De temps en temps une immense gerbe d'eau toute blanche s'elancait du sein de la mer et je sentais l'ecume rejaillir sur mon visage - puis tout a coup de grandes lueurs s'etendaient au loin au-dessous de moi... Ah! me disais-je - ce sont les eclairs marins (!) decouverts par Galilee... Ils ne vont pas si vite que les eclairs de l'air, parce que l'eau est plus lourde et plus difficile a deplacer.- A la lueur de ces eclairs - je voyais la mer illuminee jusqu'au fond; je voyais de gros poissons noirs avec de grosses tetes monter lentement jusqu'a la surface... Je me disais qu'il fallait que je tombasse dessus parce que c'etait ma nourriture - mais je sentais une secrete horreur qui m'en empechait... Et puis ils etaient trop gros.- Tout a coup je vois la mer blanchir et sautiller comme de l'eau qui bout - une teinte rose se repand autour de moi.. C'est le soleil qui se leve, me dis-je - fuyons - il va tout bruler,- Mais j'avais beau me jeter de cote et d'autre - tout devenait eclatant, lumineux, insupportable aux yeux - de grosses bulles brillantes montaient dans l'air - je sentais une chaleur etouffante - mes plumes commencaient a roussir - j'apercois le haut du disque du soleil qui occupait tout l'horizon et flamboyait comme une fournaise - une angoisse insupportable me saisit - et je m'eveille.- Il faisait deja jour; je voyais devant moi le papier vert-saule de ma chambre et je ne comprenais pas encore ou j'etais2.- Mais est-ce permis de decrire un reve aussi longuement que cela? - Vous allez vous moquer de moi et vous aurez raison. Il est vrai qu'il n'y a pas abondance de matiere a Courtavenel.
  
   Lundi soir.
   Le frere de Fougeux est encore venu diner aujourd'hui a Courtavenel. Decidement - il n'est pas bete et n'est pas non plus tres ennuyeux; cependant je trouve que je le vois trop souvent.- Du reste je crois qu'il va quitter bientot cas beaux lieux, comme dirait le pauvre Mr Guy. Il ne fait rien, n'a pas de profession - et malgre cela il est tout encroute de prejuges nationaux, bonapartistes, litteraires et judiciaires. Si du moins il avait profite de son independance pour se delivrer de tout ce fatras! Mais non. Un Allemand l'aurait plutot fait.- Beranger a dit avec raison:

Philosophe

De mince etoffe

Ton oeil ne peut se detacher

Du vieux coq de ton vieux clocher3.

  

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   Mardi.
   Je ne recois qu'aujourd'hui votre billet avec la lettre de Mr Chorley, a laquelle je m'empresserai de repondre demain4. Verzeihung, Theuerste. Ich liege zu Ihren Fussen, und bitte mir auf den Nacken zu treten. Dites a Viardot (je lui ecrirai aussi l'un de ces jours) que la chasse va etre ouverte le 25.- Faut-il que je fasse des demarches pour son permis de chasse? - Du reste tout va bien - et je prie le bon Dieu de vous benir mille fois et de vous ramener saine et sauve en France.
   Toujours point de nouvelles de Mr et Mme Sitches.- Bonjour. Portez vous bien et soyez heureuse...

Votre

J. Tourgueneff.

  

122. ПОЛИНЕ ВИАРДО

4, 5, 6, 7 (16, 17, 18, 19) августа 1849. Куртавнель

  

Courtavenel,

jeudi, 16 aout 49.

   Bonjour, Madame: guten Morgen, Liebe, Theure!
   Et en effet, ils sont arrives hier soir tous les deux. Je parle de M. et Mme Sitches. J'ai ete bien content de les voir. Et puis ils avaient l'air si heureux, ils me contaient une foule de choses, les moindres details de leur voyage, et surtout du mariage1 avec une volubilite si joyeuse! Ils m'ont montre le portrait de Leonard qui m'a l'air d'un bon diable. Je me suis fait raconter par eux comment ils ont revu Mlle Antonia, ce qu'ils lui ont dit, ce qu'elle leur a repondu; comment ils ont vu pour la premiere fois M. Leonard, ce qu'il leur a dit, ce qu'ils lui ont repondu, l'habit qu'il portait, le chapeau qu'il tenait a la main et leurs habits a eux, et puis ensuite, en s'elevant a des details plus importants, les preparatifs du jour de noce, etc., etc. ils ont du tout me decrire; et ils le faisaient, ils se repetaient avec delices, ils imitaient la maniere de regarder, le son de voix de Leonard, et je les ecoutais avec un veritable interet; car le bonheur est contagieux. Enfin j'espere que tout ceci continuera aussi bien que cela a commence. Aujourd'hui le torrent est devenu ruisseau; nous parlons encore, mais la veine s'epuise.
   Mlle Berthe arrive demain avec Louise. Courtavenel commence a se remplir. Je ne dinerai plus en tete a tete avec moi-meme.
  

Vendredi.

   Madame! permettez-moi de prendre un ton solennel a la hauteur des circonstances. Madame! un fleau terrible, semblable a ces plaies d'Egypte dont parle L'Ecriture sainte2, est venu s'abattre sur les "beaux lieux" que vous habitez, ou plutot que vous n'habitez pas. Il ne nous a pas frappes a l'improviste, il nous avait deja souvent menaces de ses fureurs... que dis-je? nous avions plus d'une fois eprouve l'effet de ses coups... (c'est du Racine, cela). Mais cette fois-ci le cruel a depasse les previsions les plus sinistres, ebranle les coeurs les plus fermes et repandu au loin la stupeur du desespoir. Madame! ce fleau, c'est les rougets, ou ce sont les rougets, comme vous voulez3. Votre coeur sensible a du le deviner. Madame! dans l'espace d'une heure, Madame votre tante, qui, remarquez-le bien, n'etait pas sortie de toute la journee, en a pris cinquante, cincuenta, funfzig, fifty! sur son visage et sur son cou! Elle nous les a montres; nous les avons comptes. Elle en prenait avec son mouchoir par deux, par trois, par cinq! Tous nos corps ne sont plus qu'une plaie comme celui d'Hippolyte...4 Je me gratte avec les dix doigts jusqu'a faire ruisseler le sang! J'espere que cela ne durera pas. Ce serait trop epouvantable! Nous attendons Mlle Berthe avec impatience,- para dar a corner a los hambrientos, comme dit le seigneur D<on> Pablo,- peut-etre qu'elle fera une diversion utile. Jamais cela n'a ete aussi fort. Pourvu que la rage de ces animaux infernaux soit assouvie avant votre arrivee!
   Le frere de M. Fougeux est decidement a bore (vous savez ce que cela veut dire en anglais) de la premiere classe. Il est venu me rougetter le jour de l'arrivee de votre tante. Jamais rien d'aussi lourdement suffisant, d'aussi pretentieusement vide, d'aussi solennellement niais ne s'est etale sous la calotte des cieux. Connaissez-vous cet atroce petit sourire qui voudrait etre malicieux et qui n'est que contraint, ce sourire tout sature d'amour-propre, qui voltige si constamment sur les levres des sots contents d'eux-memes? Eh bien, ce sourire-la ne quitte pas la face bleme de ce monsieur. Ce qui m'etonne dans tout cela, c'est ma bonhomie. Je fais sa conversation pendant des heures a cet etre-la; je l'ai ctm meme moins ennuyeux que je ne l'avais senti... Et il y a des personnes qui pretendent que j'ai l'esprit tourne a la satire. Imaginez-vous qu'il a la manie de repeter de la prose par coeur. Nous parlions de descriptions... "Monsieur, me dit-il avec son air magistral, toute description est superflue a moins qu'elle ne soit comme celle de Fenelon dans "Telemaque" qui dit: "La nature n'etait qu'un vaste jardin" 5. Vaste jardin! Monsieur, vaste jardin! Voila une idee neuve, belle, touchante qui parle a mon ame". Et pendant une demi-heure le monstre n'a cesse de repeter cette phrase divine, adorable, etc. Quel etre insupportable! Il a du etre ne dans une vieille cave humide des amours d'une vieille araignee et d'un crapaud paralytique. Je me figure le dieu de l'Ennui sous la figure d'une araignee toute poudreuse. En un mot, que les rougets le mangent! Je ne puis faire de voeu plus cruel. Mais il parait qu'ils sont inconnus, a Rozay. Courtavenel en serait-il la patrie exclusive?
  

Samedi soir.

   Mlle Berthe est arrivee hier avec Louison. Louise a tres bonne mine, et Mlle Bertlie n'a pas non plus l'air tres maladif. La petite nous a montre ses prix et son ruban vert. Je lui trouve les manieres un peu "je m'en fiche pas mal", mais cela se fera, car c'est une bonne et douce nature au fond, malgre son petit rire de casse-noisette. Le jardinier, voyant tout ce monde arriver, s'est mis a travailler un peu; Jean frotte plus que jamais; enfin, Courtavenel est tout pimpant, a l'heure qu'il est. Mais si l'on n'y met pas ordre, dans quinze jours les fosses seront remplaces par une belle ceinture de vase bien noire. Je ne sais si le jardinier est un rouge, mais il a bien les trois defauts principaux de ce parti auquel, du reste, je me fais honneur d'appartenir; c'est-a-dire qu'il est bavard, paresseux et propre a rien. Quel mauvais jardinier je ferais!.. En y reflechissant, je ne sais pas qui je ferais bon. Est-ce du francais? Ma foi, je m'en bats l'oeil. Il y a longtemps que je n'ai recu de lettre de vous! C'est un peu ma faute, mais a tout peche misericorde. Bitte, bitte...
  

Dimanche.

   Bien de nouveau depuis hier. Cependant les rougets paraissent ralentir leur fureur. Il etait temps. Je devenais, comme dit Annibal, dans "L'Aventuriere" 6, si laid a nu que je n'osais m'y mettre. J'ai promene Ces dames en bateau;, j'ai compose des chansons pour Louise. Ainsi, vous nous revenez dans quinze jours!
   Le facteur vient, et il faut que je lui donne ma lettre... Vous tenez plus que votre parole, car voici deux lettres que'vous avez deja recues depuis... Enfin! J'attendrai. Que Dieu vous benisse mille fois et conserve votre sante. Tout 'a vous.

J. T.

  
   P. S.- J'ecrirai a Viardot demain. Les lievres sont morts!
  

123. ЛУИ И ПОЛИНЕ ВИАРДО

8(20) августа 1849. Куртавнель

  

Courtavenel,

ce 20 aout 49.

   Il faut cependant que je vous ecrive, mon cher Viardot, avant votre retour a Courtavenel, qui, je l'espere, ne saurait tarder. On vous y attend avec beaucoup d'impatience. Votre permis de chasse est tout pret, a ce que m'a dit le facteur, il y a assez de gibier (surtout beaucoup de cailles) et Sultan se porte bien. Courtavenel (la maison) est dans un excellent etat, je regrette de ne pouvoir en dire autant du parc. Le jardinier est vraiment d'une negligence impardonnable et Mlle Berthe a fremi d'horreur en voyant l'etat sauvage, inculte et malpropre du petit jardin devant la maison. Il n'y a pas de fruits d'aucune espece; toutes les groseilles ont subitement disparu, ce qui me chagrine pour vous, qui les aimez tant; enfin je vous avoue que vous ne feriez pas mal d'aviser a remplacer ce confrere republicain. Mr Jullien vous fait dire que la petite maison (vous savez - la malfamee) est a vendre pour peu de chose; il parle aussi de bois a acheter dans une lettre qu'il a envoyee a Mlle Berthe, et qui, je crois, va nous arriver ici aujourd'hui (la lettre); du reste, vous allez arranger tout cela vous-meme. Il y a aussi la fuite d'eau qui est desagreable en ce qu'elle peut laisser bientot les fosses a sec; et si vous vouliez donner vos ordres, on pourrait commencer a y travailler de suite; je ne comprends pas que pendant le curage on n'ait pas change la bonde, qui est vieille et branlante comme la plus vieille dent de la plus vieille sorciere. Du reste, l'air ici est tout aussi pur et bon a respirer, l'eau aussi bonne que par le passe - et si vous desirez engraisser, venez. Experto crede Roberto1. Je vais faire l'un de ces quatre matins un petit voyage a Paris pour en rapporter mon fusil et autres choses indispensables, ainsi que le Gogol, pour nos heures de loisir. Nous traduirons "Le Manteau", si vous voulez2. J'ai recu une lettre de chez moi, qui m'a replonge dans l'incertitude la plus complete sur le moment ou l'on m'enverra de l'argent de la maison3; mais comme je ne suis pas tout a fait a bout de mes ressources (j'ai gagne au moins 1 000 F. depuis que je vis ici), je puis en conscience m'ad-resser a vous pour vous demander si vous pouvez me preter 400 francs, dont j'ai besoin pour payer quelques dettes que j'ai. Je vous en serai reconnaissant et je tacherai de ne pas trop tarder a vous les restituer. A propos, depuis le 15, on ne nous envoie plus "Le National"4.
   Et vous, comment vont vos affaires a Londres? Pas trop mal, je l'espere. J'allais vous demander toutes sortes de nouvelles sur votre sejour la-bas, mais je pense que je pourrai faire tout cela bientot de vive voix.
   Sur ce, je vous serre bien cordialement la main et reste

Votre tout devoue

J. Tourgueneff.

  
   Mlle Berthe ne vous ecrit pas par la raison qu'elle va a Rozay faire arranger le tilbury. Mille amities a tout le monde.
  

Madame!

  
   Je vous remercie d'avance pour l'aimable
  
   accueil
   Que vous ferez a mon
  
  
  
  
   bouvreuil
   Il en sera tout bouffi
  
  
  
  
   d'orgueil
   Ce qu'il mange, ce n'est pas du
  
  
  
  cerfeuil
   Comme un
  
  
  
  
  
  
   chevreuil
   Cette nourriture le conduirait au
  
  
   cercueil
   De mon voyage, je suis sur le
  
  
  
   seuil
   Demain, a 8 h. du matin, assis comme dans un
  
  fauteuil
   Je vais quitter Paris
  
  
  
  
   en deuil
   De mon absence; et aussitot arrive je vous enverrai un recueil
   Les impressions de mon
  
  
  
  
   oeil
   Cette derniere rime est defectueuse,
  
  mais je defie votre mari lui-meme
  
  
  
  d'en trouver une autre en
  
  euil
   Sans avoir recours aux noms propres comme
  
   Auteuil.
  
   A revoir dans quinze jours et que le bon Dieu vous benisse un million de fois!

Votre

J. Tourgueneff.

  

124. ЛУИ ВИАРДО

11(23) августа 1849. Куртавнель

  

Courtavenel.

Jeudi, 23 aout 49.

   Vous devez deja savoir par les journaux, mon cher Viardot, que ce n'est pas le 25 que s'ouvre la chasse; je puis vous informer de la date precise, puisee par moi a la source officielle, chez Mr Black, maire a Vaudoyi c'est le 2 septembre. Cependant, venez aussitot que vous le pourrez, car il fait tres beau a Courtavenel. Mme Garcia est arrivee hier de Bruxelles en parfaite sante. Mlle Berthe et Louison sont ici depuis vendredi. J'ai deja commence mes lecons d'allemand avec la petite, qu'il faut aussi faire travailler a 1 espagnol, qu'elle commence a oublier un peu; du reste, elle est vraiment tres gentille de toutes les facons et se porte a merveille. J'aurais bien une priere a vous adresser, mais je suis bien bete de le faire si tard; du reste, c'est un caprice qui me passe par la tete et qui, je le crains bien, n'a pas le sens commun. Je voudrais bien avoir une chienne anglaise pour la chasse... et, s'il vous en tombait une toute dressee dans la poche, vous me feriez plaisir en l'amenant. Mais, je le repete, c'est une folie, et vous aurez bien autre chose a faire pendant les derniers jours que vous passerez a Londres. Il n'y a pas immensement de perdrix cette annee a C<ourtavenel> et beaucoup de cailles.
   Le "Musical World" que nous recevons regulierement nous annonce tout ce que fait et ce que fera Madame; dans le dernier n®, il y a le programme des concerts de Liverpool1. Elle nous ferait a tous le plus grand plaisir, si elle nous disait un mot de la representation de "D<on> Juan" de demain2. Tout le monde ici pense beaucoup a elle et la salue de son mieux.
   A revoir et a bientot, mon cher ami, a revoir sur le champ de bataille entre le Jarriel et Vaudoy3.

Tout a vous

J. Tourgueneff.

  

125. ЭММЕ ГЕРВЕГ

Конец (не позднее 30) октября н. ст. 1849. Париж

  
   Da haben Sie ein Billet fur Chopin's Beisetzung1. Es wird Mozart's "Requiem" aufgefuhrt2. Ich habe zu llinen nicht kommen konnen diese Tage.- Wie geht es Ihnen? - Mir immer sehr schlecht. Ich griisse Sie herzlich.

Ihr

I. Turgeneff.

  
   Man mussan 1/2 12 in der Kirche sein.
  

126. A. A. КРАЕВСКОМУ

22 октября (3 ноября) 1849. Париж

  

Париж.

3 ноября / 22 октября 49.

   Темные слухи дошли до меня, любезнейший Краевский, что Вы напечатали в "О<течественных> з<аписках>" моего "Холостяка"1.- Желаю, чтобы он понравился русской публике. Но дело не в том - а вот в чем: я получил от моего брата письмо, в котором, после красноречивого описания расстройства наших дел, благодаря болезни моей маменьки и прочим обстоятельствам - он сообщает мне печальное известие, а именно: я не только не получу от нее должные мне за нынешний год 6000 р., но и вообще не должен надеяться на подмогу из родительского дома2, Это известие меня крайне сконфузило - и потому прибегаю к Вам с следующей убедительной просьбой: сколько я Вам должен за вычетом "Холостяка"? Положим: х; прибавьте к этому 300 р. сер., и я Вам буду должен 300 р. сер. х. Я Вас могу уверить, что я всё это в скорости заработаю (не я же виноват в том, что "Нахлебнику" отсекли голову3).- Я с Вами заочно согласен в том, что мне бы следовало Вам выслать с сим письмом какую-нибудь вещь по части литературства - но Вы вникните тоже в то обстоятельство, что у меня теперь гроша нет наличного - и вместо ожиданных, как манна небесная, 6000 р.- пшик! - И потому чем Вы мне скорее вышлете эти деньги, тем более я буду Вас уважать и тем ревностнее буду действовать насчет пополнения "От<ечественных> зап<исок>" - оригинальными статьями, как Вы, г-да журналисты, говорите в Ваших программах a l'adresse des иногородних. Насчет "От<ечественных> зап<исок>": я уже совершенно потерял надежду увидеть их очами своими - хоть Вы бы выслали один экземп<ляр> "Холостяка"! - Мой адресе: Rue et Hotel du Port-Mahqn, No 9.- Я буду с жадностью ожидать Вашего ответа - дай бог, чтобы не с голодом4. Впрочем, желаю Вам всяких благ, жму Вам руку и остаюсь

преданный Вам

И. Тургенев.

  
   Вот Вам перечень статей, назначенных для "О<течественных> з<аписок>":
   1). "Дневник лишнего человека", род повести.
   2). "Вечеринка", комедия в 1-м действии.
   3). "Гувернантка", комедия в 5-ти действиях5.
   Да напишите Вы мне между прочим несколько слов о состоянии нашей литературы, сделавшейся для меня чем-то необыкновенно загадочным и крайне неизвестным.
  

127. ГЕНРИ ЧОРЛИ

25 октября (6 ноября) 1849. Париж

  

Paris, ce 6 novembre 49.

   J'avais eu l'intention de vous ecrire le lendemain de la premiere representation du "Prophete"1, mon cher Monsieur Chorley, mais je n'ai fait qu'ajouter un pave au chemin de l'enfer - vous savez qu'on dit qu'il est pave de bonnes intentions. Cependant je n'en ai pas voulu avoir le dementi et je vous ecris aujourd'hui. Je commencerai donc par vous dire de notre amie qu'elle a ete rallier nervous a la premiere representation, grace au bruit, qui s'etait propage, qu'on voulait lui faire une mauvaise reception pour la punir d'avoir assiste a un banquet republicain a Londres2. Ce banquet est, comme vous le savez bien, une fable absurde - mais ces messieurs honnetes et moderes n'y regardent pas de si pres, quand il s'agit de calomnier et d'insulter les gens, qui ne peuvent pas se defendre.- La reception de Mme Viardot a ete superbe - et ces braves messieurs n'ont pas donne signe de vie: cependant l'apprehension qu'elle avait ressentie - avait suffi pour lui oter une partie de ses moyens - et elle n'a ete vraiment elle-meme que dans le 5-me acte. Mais des la seconde soiree elle a reparu plus triomphante que jamais. Vous avez du lire dans les journaux qu'elle a aussi chante le "Requiem" de Mozart aux obseques de ce pauvre Chopin. L'eglise de la Madeleine est malheureusement fort peu sonore ou plutot elle l'est beaucoup trop - les sons s'y confondent et s'y perdent. Cependant elle a chante sa partie avec une voix mag

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