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Тургенев Иван Сергеевич - Письма (1831-1849), Страница 15

Тургенев Иван Сергеевич - Письма (1831-1849)



tue; pour Herwegh, on le dit de retour a Strasbourg avec sa femme. S'il vient ici, je lui conseillerai de relire "Le Roi Lear", surtout la scene entre le roi, Edgar et le fou dans la foret.- Pauvre diable! Il aurait du ne pas commencer l'affaire ou se faire tuer comme l'autre9.
   Le dernier bulletin de Mme Sand a fait sourire tout Paris; elle y cite Jean-Paul Richter et fait parler le Ministre de l'Interieur de calomnies, de fruits murs, de vers rongeurs et d'oeufs de mouche deposes dans les fruits.- Que diable va-t-elle faire dans cette galerel0? - Mais je ne vais pas vous parler politique.
   Votre mari revient-il a Paris? - M. Bastide se trouve sur la liste des elus11.
   Mme Sitches m'a donne de vos nouvelles.- J'espere, Madame, que vous aurez la bonte de m'ecrire bientot... Tausend, tausend Danke fur... Sie wissen wofur, Sie beste, theuerste Frau... Wie glucklich hat es mich gemacht! - A demain.
  
   Lundi, 1-ermai. 11 h. du soir.
   J'ai profite du beau temps qu'il a fait aujourd'hui pour aller a Ville d'Avray - petit village au-dela de Saint-Clovul. Je crois que j'y louerai une chambre.- J'ai passe plus de quatre heures dans les bois - triste, emu, attentif - absorbant et absorbe. L'impression que la nature l'ait sur l'homme seul est etrange... il y a dans cette impression un fonds d'amertume fraiche comme dans toutes les odeurs des champs - un peu de melancolie sereine comme dans les chants des oiseaux. Vous comprenez ce que je veux dire - vous me comprenez bien mieux que je ne me comprends moi-meme. Je ne puis voir sans emotion une branche couverte de feuilles jeunes et verdoyantes se dessiner nettement sur le ciel bleu - pourquoi? - Oui, pourquoi? Est-ce a raison du contraste entre ce petit brin vivant, qui flotte au gre du moindre souffle, que je puis briser, qui doit mourir - mais qu'une seve genereuse anime et colore - et cette immensite eternelle et vide, ce ciel qui n'est bleu et rayonnant que grace a la terre? (Car hors de notre atmosphere il y fait un froid de 70 degres et fort peu clair. La lumiere se centuple au contact de la terre.) - Ah, je ne puis pas souffrir le ciel - mais la vie, la realite, ses caprices, ses hasards, ses habitudes, sa beaute fugitive, j'adore tout cela. Je suis attache a la glebe, moi.- Je prefererais contempler les mouvements precipites de la patte luisante et humide d'un canard, qui se gratte le derriere de la tete au bord d'une mare - ou les gouttes d'eau longues et etincelantes tombant lentement du museau d'une vache immobile qui vient de boire dans un etang, ou elle est entree jusqu'aux genoux - a tout ce que les cherubins, "ces illustres faces volantes" peuvent apercevoir dans les ci eux...
  
   Mardi, 2 mai, 9 1/2 h. du matin.
   Je me trouvais hier soir dans une disposition d'esprit phi-losophico-pantheistique... Voyons autre chose - aujourd'hui.- Je veux parler de vous, ce qui prouve... que j'ai bien plus d'esprit aujourd'hui. Vous debutez dans "Les Huguenots"; c'est tres bien; mais il ne faut pas qu'on ne vous fasse faire que des roles dramatiques l2. Si vous chantiez "La Somnambule"... c'est le meilleur role de MlleLind; elle y debute, eh bien apres? Je crois pouvoir repondre d'un grand succes. Vous irez l'entendre apres-demain; vous m'ecrirez, n'est-ce pas, l'impression qu'elle vous aura faite? Dans tous les cas - ne vous laissez pas enfermer dans la specialite des roles dramatiques.-Les journaux disent, que c'est le (", samedi, que vous debutez. Est-ce vrai? - Il y aura quelqu'un ce soir la a Paris, qui sera... je ne vous dis pas inquiet - mais enfin. Il ne sera pas dans son assiette ordinaire, je vous en reponds. Quelle drole d'expression - etre dans son assiette - comme un mets 13. Et qui nous mange? Les Dieux? Et si l'on dit de quelqu'un qu'il est inquiet, qu'il n'est pas dans son assiette ordinaire - cette inquietude provient peut-etre de la possibilite d'etre mange par un autre Dieu que le sien? - Je dis des betises.- Les hommes nous broutent, les dieux nous mangent!!
   J'ai ete - avant-hier soir - voir Frederick Lemaitre dans "Robert Macaire". La piece est mai faite et ignoble; mais Frederick est l'acteur le plus puissant que je connaisse. Il en est effrayant. Robert Macaire - c'est encore un Pro-methee - mais le plus monstrueux de tous. Quelle insolence, quelle audace effrontee, quel aplomb cynique, quel defi a tout et quel mepris de tout14! Le public est parfait de tenue: calme, froid et digne. Ma parole d'honneur - le dernier gamin jouit du talent de Frederick en artiste - et-trouve le role degoutant. Mais aussi quelle verite accablante, quelle verve! Je me tais, car je sais que vous n'aimez pas Frederick.- Mais-voyez-vous - le sens moral et le sens du beau sont deux bosses, qui n'ont rien a faire l'une avec l'autre... Heureux qui les possede toutes deux15!
   Il fait un temps magnifique aujourd'hui. Je vais sortir dans une heure, pour ne rentrer que fort lard dans la journee. Il faut que je me trouve une petite chambre hors Paris. Ce qui m'a empeche de me decider pour Ville d'Avray c'est qu'il faut traverser la Seine (pour y aller) sur un pont do bateaux et a pied - les mariniers ayant profite de la Revolution de fevrier pour detruire le pont du chemin de 1er.- Et cela prend beaucoup de temps.
   Je tacherai de me faufiler dans les tribunes de l'Assemblee nationale le jour de l'ouverture16. Si je reussis, je vous promets la description la plus fidele. De votre cote, Madame, quand vous serez bien casee, vous nous decrirez votre maison et votre salon.- Faites cela s'il vous plait, пожалуйста.
   Nun aber geben Sie mir Ihre lieben und theuren Iiande, damit Ich die recht lange drucken und kussen kann.- Die rechte Hand besonders - Sie schreiben ja mit der rechten Hand? Was man nur lieber denken, sagen und fiihlen kann, denke, sage und fuhle ich jetzt.- Nicht wahr - davon sind Sie uberzeugt? Leben Sie recht wohl, bestes, geliebtestes We-sen.- Et maintenant, Madame, permettez-moi de vous serrer la main. Mille amities a Mme Garcia, votre mari, Mlle Antonia et Louise. Je salue Mlle Mina.- Noch einmal, lebcn Sie recht, recht wohl und bleiben Sie gewogen Ihrem allen, unwandelbar treuen und ergebenen Freund.

J. T.......

  

88. ПОЛИНЕ ВИАРДО

Около (после)] 3 (15) мая 1848. Париж

Relation exacte de ce que j'ai vu dans la journee de lundi 15 mai [1848]1.

  
   Je sortis de chez moi a midi.- La physionomie des boulevards ne presentait rien d'extraordinaire; cependant, sur la place de la Madeleine se trouvaient deja 2 a 3 cents ouvriers avec des bannieres. La chaleur etait etouffante. On parlait avec animation dans les groupes. Bientot, je vis un vieillard d'une soixantaine d'annees grimper sur une chaise, dans l'angle gauche de la place, et prononcer un discours en faveur de la Pologne. Je m'approchai; ce qu'il disait etait fort violent et fort plat; cependant, on l'applaudit beaucoup. J'entendis dire pres de moi que c'etait l'abbe Chatel. Quelques instants plus tard, je vis arriver de la place de la Concorde le general Courtais, monte sur son cheval blanc (a la La Fayette2); il s'avanca dans la direction des boulevards on saluant la foule et se prit tout a coup a parler avec vehemence et force gestes; je ne pus entendre ce qu'il dit. Il retourna ensuite par ou il etait venu. Bientot parut la procession; elle marchait sur seize hommes de front, drapeaux en tete; une trentaine d'officiers de la garde nationale de tous grades escortaient la petition: un homme a longue barbe (que je sus plus tard etre Huber) s'avancait en cabriolet. Je vis la procession se derouler lentement devant moi (je m'etais place sur les marches de la Madeleine) et se diriger vers l'Assemblee nationale... Je ne cessai de la suivre du regard. La tete de la colonne s'arreta un instant devant le pont do la Concorde, puis arriva jusqu'a la grille. De temps a autre, un grand cri s'elevait: "Vive la Pologne!" cri bien plus lugubre a entendre que celui de: "Vive la Republique!" l'o remplacant l'i3. Bientot on put voir dos gens en blouse monter precipitamment les marches du palais de l'Assemblee; on dit autour de moi que c'etaient les delegues qu'on faisait introduire. Cependant, je me rappelai que, peu do jours auparavant, l'Assembee avait decrete ne pas recevoir les petitionnaires a la barre, comme le faisait la Convention; et quoique parfaitement edifie sur la faiblesse et l'irresolution de nos nouveaux legislateurs, je trouvai cela un peu extraordinaire. Je descendis de mon perchoir et marchai le long de la procession, qui s'etait arretee jusqu'a la grille de la Chambre. Toute la place de la Concorde etait encombree de monde. J'entendais dire autour de moi que l'Assemblee recevait dans ce moment les delegues, et que toute la procession allait defiler devant elle. Sur les marches du peristyle se tenait une centaine de gardes mobiles4, sans baionnettes au bout des fusils. Ecrase par la chaleur, j'entrai un moment aux Champs-Elysees; puis je revins a la maison, avec l'intention de prendre Herwegh. Ne l'ayant pas trouve, je retournai sur la place de la Concorde; il pouvait etre trois heures. Il y avait toujours un monde fou sur la place; mais la procession avait disparu; on en voyait seulement la queue et les dernieres bannieres de l'autre cote du pont. J'avais a peine depasse l'obelisque que je vis venir en courant un homme sans chapeau, en habit noir, l'angoisse sur la figure, qui criait aux personnes qu'il rencontrait: "Mes amis, mes amis, l'Assemblee est envahie, venez a notre secours; je suis un representant du peuple!" Je m'avancais aussi vite que je pus jusqu'au pont, que je trouvai barre par un detachement de gardes mobiles. Une confusion incroyable se repandit tout a coup dans la foule. Beaucoup s'en allaient; les uns affirmaient que l'Assemblee etait dissoute, d'autres le niaient; enfin, un brouhaha inimaginable. Et cependant les dehors de l'Assemblee ne presentaient rien d'extraordinaire; les gardes la gardaient, comme si rien ne s'etait passe. Un instant, nous entendimes battre le rappel, puis tout se tut. (Nous sumes plus tard que c'etait le president lui-meme qui avait ordonne de cesser de battre le rappel, par prudence, ou par lachete.) Deux grandes heures se passerent ainsi! Personne ne savait rien de positif, mais l'insurrection paraissait avoir reussi.
   Je parvins a fa,ire une trouee dans la haie des gardes du pont et je me placai sur le parapet. Je vis une masse de monde, mais sans bannieres, courir le long du quai, de l'autre cote de la Seine... "Ils vont a l'Hotel do Ville! s'ecria quelqu'un pres de moi; c'est encore comme au 24 fevrier". Je redescendis avec l'intention d'aller a l'Hotel de Ville... Mais dans ce moment nous entendimes tout a coup un roulement prolonge de tambour, et un bataillon de la garde mobile apparut du cote de la Madeleine et vint fondre au pas de charge sur nous. Mais comme, a l'exception d'une poignee d'hommes dont l'un etait arme d'un pistolet, personne ne leur fit resistance, ils s'arreterent devant le pont, я pres avoir conduit les emeutiers au poste. Cependant, meme alors, rien ne paraissait decide; je dirai plus: la contenance de ces gardes mobiles etait passablement indecise. Pendant une heure au moins avant leur arrivee et un quart d'heure apres, tout le monde croyait au triomphe de l'insurrection; on n'entendait que les mots: "C'est fini!" prononces d'une facon joyeuse ou triste, suivant la facon de penser de ceux qui les prononcaient. Le commandant du bataillon, homme d'une figure eminemment francaise, joviale et resolue, fit a ses soldats un petit descours termine par ces mots: "Les Francais seront toujours Francais. Vive la Republique!" Cela ne le compromettait pas. J'ai oublie de vous dire que, pendant ces deux heures d'angoisse et d'attente dont je vous ai parle, nous avions vu une legion de gardes nationaux s'enfoncer lentement dans l'avenue des Champs-Flysees et traverser la Seine sur le pont qui se trouve vis-a-vis des Invalides. Ce fut cette legion qui prit les emeutiers par derriere et les delogea de l'Assemblee. Cependant le bataillon de gardes mobiles, venu de la Madeleine, avait ete recu par les bourgeois avec des transports de joie... Les cris de: "Vive l'Assemblee nationale!" recommencerent avec une nouvelle force. Tout a coup, le bruit se repandit que les representants etaient rentres dans la salle. Ce fut comme un changement a vue. Le rappel eclata de toutes parts; les gardes mobiles (mobiles en effet!) mirent leurs bonnets sur les pointes de leurs baionnettes (ce qui, par parenthese, produit un effet prodigieux) et crierent: "Vive l'Assemblee nationale!" Un lieutenant-colonel de la garde nationale accourut haletant, rassembla une centaine de personnes autour de lui et nous raconta ce qui s'etait passe: "L'Assemblee est plus forte que jamais! s'ecria-t-il. Nous avons ecrase les miserables... Oh! messieurs, j'ai vu des horreurs... des deputes insultes, battus!.." Dix minutes plus tard, tous les abords de l'Assemblee furent encombres de troupes; des canons arrivaient lourdement au grand trot des chevaux; des troupes de ligne, des lanciers... L'ordre, le bourgeois, avait Iriomphe, avec raison, cette fois. Je restai encore sur la place jusqu'a six heures... Je venais d'apprendre qu'a l'Hotel de Ville aussi le gouvernement avait remporte la victoire... Je ne dinai ce jour-la qu'a sept heures. De toute la foule de choses qui me frapperent, je n'en citerai que trois: ce fut en premier lieu l'ordre exterieur qui ne cessa de regner autour de la Chambre; ces joujoux de carton, appeles soldats, garderent l'insurrection aussi scrupuleusement que possible; apres l'avoir laisse passer, ils se refermerent sur elle. Il est vrai de dire que l'Assemblee, de son cote, se montra au-dessous de tout ce qu'on pouvait en attendre; elle ecouta Blanqui perorer pendant une demi-heure sans protester! Le president ne se couvrit pas 6! Pendant deux heures, les representants ne quitterent pas leurs sieges, et ce ne fut que quand on les en chassa qu'ils partirent. Si cette immobilite avait ete celle des senateurs romains devant les Gaulois, ca aurait ete superbe 6; mais non, leur silence etait le silence de la peur; ils siegeaient, le president presidait... Personne, un M. d'Adelsward excepte, ne protestait... et Clement Thomas lui-meme n'interrompit Blanqui que pour demander gravement la parole! Ce qui me frappa aussi, ce fut de voir la maniere dont les marchands de coco et de cigares circulaient dans les rangs de la foule; avides, contents et indifferents, ils avaient l'air de pecheurs amenant un filet bien charge. Troisiemement, ce qui m'etonna beaucoup moi-meme, ce fut l'impossibilite dans laquelle je me trouvai de me rendre compte des sentiments du peuple dans un pareil moment; ma parole d'honneur, je ne pouvais deviner ce qu'ils desiraient, ce qu'ils redoutaient, s'ils etaient revolutionnaires ou reactionnaires, ou simplement amis de l'ordre. Us avaient l'air d'attendre la fin de l'orage.- Et cependant je m'adressai souvent a des ouvriers en blouse... Ils attendaient... ils attendaient!.. Qu'est-ce que c'est donc que l'histoire?.. Providence, hasard, ironie ou fatalite?..
  

89. ЛУИ ВИАРДО

12 (24) мая 1848. Париж

Paris,

ce 24 mai 48.

   Il y a longtemps que j'aurais du vous ecrire, mon cher Viardot, et je vous demande pardon de ne l'avoir pas fait.1 Mais dans les premiers temps on esperait toujours vous revoir ici, et puis plus tard tous ces evenements2 qui survenaient coup sur coup... enfin je vous en fais mon mea culpa - et voila.
   La fete du 21 mai a ete, malgre ce qu'en ont dit les journaux et les proclamations, horriblement froide. Peu d'ouvriers, beaucoup de provinciaux, de curieux, peu ou point d'enthousiasme, encore moins de gaite; quelle fete de la Fraternite, de la Concorde3! Au moment ou grondait le canon des invalides en reponse a celui du Champ de Mars, on se battait a Lyon, a Lille4... et si l'on ne se battait pas ailleurs, со n'etait certes pas par manque de bonne volonte. L'illumination du soir a ete magnifique: les Champs-Elysees surtout etaient resplendissants. Mais des lampions ne sont pas toujours des signes de rejouissance reelle... temoins ceux que vous avez pu voir dans un certain pays assez eloigne d'ici5. Ah! mon ami, que les grandes choses se rapetissent facilement et vite! Qui l'aurait dit il y a trois mois? Mrs O. Barrot et Dufaure constituant la Republique en France, qui l'aurait cru?
   La statue de la liberte de Clesinger6, placee au beau milieu du Champ de Mars, est quelque chose de monstrueux... Si c'est d'apres le fruit qu'on doit juger de l'arbre, que faut-il donc penser de cette Revolution, qui n'a pas su produire jusqu'a present ni une oeuvre d'art, ni un talent, ni mome un seul vers inspire. Mais, grace a Dieu, nous ne sommes qu'au seuil; puisqu'on a tant parle des hommes de la veille, il faut les voir a l'oeuvre, il faut les laisser agir; et quand ils seront uses (ce qui ne peut pas tarder a venir) il faut esperer que nous verrons enfin se lever la generation d'aujourd'hui)
  
   Jeudi, 25.
   Je no sais si c'est a la fete de la Concorde ou bien autre part que j'ai attrape un assez gros rhume, mais le fait est que j'en possede un pour le moment, qui m'alourdit horriblement. J'avais eu l'intention de me faufiler a la seance du mardi pour entendre parler M. de Lamartine, mais j'ai eu beau arriver le premier a 5 h. du matin, on a fini par nous declarer que toutes les places etaient reservees aux delegues dos departements. Eh bien! vous l'avez lu, ce beau discours, qu'en dites-vous? Pour moi, j'en ai ete fort peu edifie. Tout ce qu'il dit a propos de la Pologne est miserable. On parle de la reconstitution de la Pologne - l'Assemblee l'a votee - et personne ne souffle mot de la Russie, M. Lamartine tout le premier. Cette puissance y est cependant diablement interessee7. J'avais cru que sous la Republique on ne ferait plus de ces mensonges-la. Et puis, comment oser parler de l'intention de la Prusse de reconstituer la nationalite polonaise, au moment meme ou, apres avoir profite de l'etat agite de toute l'Europe pour en arracher le dernier lambeau, S<a> M<ajeste> Fredericus IV vient d'allumer une'guerre civile factice pour se justifier8? Je ne pretends pas, Dieu merci, m'eriger en champion de la cause polonaise... mais faire de la diplomatie encore maintenant! finir par un eloge pompeux de la paix a tout prix... C'est triste, c'est bien triste.
   Hier, un cocher de fiacre me disait en riant que la Republique etait grosse d'un petit roi, et, ajouta-t-il, il faut esperer qu'elle accouchera avant terme et qu'il ne s'en portera pas plus mal pour cela.
   Et personne, personne dans la nouvelle assemblee! Un vide, un desert complet! Pas un homme remarquable, mais pas un! S'ils savaient agir au moins. Mais ni agir, ni parler!
   Ma foi, en voila assez comme cela. Parlons d'autre chose. Que faites-vous de bon dans votre solitude de Maida-Vale? Ce n'est pas le temps des chasses, maintenant. Avez-vous quelque ouvrage sur le chantier? Il parait que les affaires de votre theatre ne vont pas aussi bien qu'on aurait du l'esperer. "Les Huguenots" ne sont pas meme annonces jusqu'a present9. Ne viendrez-vous pas a Paris pour une couple de jours?
   N'oubliez pas de ramener de Londres un bon chien anglais, car malgre tout le respect que j'ai pour les merites de Sultan, je crois cependant qu'un bon English pointer lui damerait furieusement le pion.
   Il y a bien longtemps que je n'ai recu de nouvelles de Russie. On nous oublie ici, tant mieux. Mais il parait qu'on recommence a donner des passeports pour l'etranger. Le cholera a reparu. Il n'avait fait le mort que pour donner le temps a la Revolution de fevrier de faire du bruit.
   Sur ce, je vous serre cordialement la main et vous souhaite sante, prosperite, etc. Mille amities a Mme V<iar-dot>, Mlle Berthe, Mme Garcia et toute la famille. J'espere que vous vous portez tous a merveille.

Votre devoue

J. Tqurgueneff.

  

90. ПОЛИНЕ ВИАРДО

1, 2 (13, 14) октября 1848. Лион

  

Lyon, le 13 octobre 48.

   Guten Tag, liebste, beste, theuerste Frau, guten Tag - einziges Wesen! Me voila a Lyon, apres 36 heures de banquette1.- C'est fort vilain la banquette, surtout la nuit, et surtout le n®3 de la banquette, n® completement depourvu de dossier, avec un malheureux chien de chasse grelottant derriere vous sous la bache! Enfin - le tour est fait - et demain je repars pour Avignon (a 8V2 h. du matin.).-La route n'a pas offert un grand interet, decidement la France n'est pas belle. Passe encore le Bourbonnais avec ses montagnes et ses ravins, qui singent un peu les Alpes - mais la plate et seche Beauce, la triste Sologne, le melancolique Ber-ri - on n'a pas grand plaisir a voir ces pays-la. Je voyageais en compagnie d'un epicier de Paris, vrai bourgeois de la vieille roche, habitue de l'Opera-Coinique, gras, important, sensuel et conservateur - et d'un capitaine baleinier, original assez drole, avec beaucoup de ce que les Allemands nom m eut frockener Humor.- Il finit cependant par me causer du degout, en me racontant comme quoi dans la rue Culture S-te Catherine, il vit fusiller 17 insurges de sang-froid apres la bataille 2... "Ah, voyez-vous, disait-il - ce n'etait pas long - on leur criait: "A genoux, gredins!", ils se debattaient - mais plaouf! un coup de crosse dans la nuque, paouf! une balle a bout portant entre les deux sour-<iis - et drig, drig, drig - les voila qui gigotaient sur le pave". Du reste, mon voyage n'a pas presente d'autres .incidents dignes de remarque, si ce n'est un beau garcon de 20 ans, etendu dans une charrette, que nous depassames lentement sur une montagne et qui m'etonna par des modulations si energiques et si gracieuses, qu'elles auraient fait honneur a Vivier.- Sa voix aussi n'etait pas mauvaise - un peu dure et enrouee - mais d'un accent penetrant et naif. J'ai essaye aussi de composer des vers pour vous - mais tout s'en allait par bribes. Je ne pouvais que regarder, rever, me souvenir.- Voila.- Je suis acheve de fatigue, je vais me coucher, je finirai ma lettre demain. Bonsoir... Que Dieu vous benisse! Liebster Engel!
   Attendez - je crois que je puis encore ajouter deux mots. Si on allait me reveiller trop tard demain! -Ce papier est vraiment trop grand pour ma fatigue. Figurez-vous que je n'ai pas ferme l'oeil depuis Paris et qu'il est minuit.- Decidement - bonsoir- a demain. Que Dieu et tous ses anges veillent sur vous!
  

14 octobre, samedi, 7 h.

   liebonjour, Liebste, Teuerste, Einzige! Je viens de passer une tres bonne nuit et me sens tout reconforte.- Vous rirez ou vous ne me croirez pas, si je vous disais qu'il ne me reste presque plus de traces de la maladie que m'a tant tourmente; eh bien! c'est cependant vrai - et votre prediction "'est accomplie. Je vous donne ma parole d'honneur quo je ne dis que la stricte verite (quelle horrible plume!). Vous allez voir quo je reviendrai fort et bien portant comme un boeuf.- Dans une heure je pars d'ici (en descendant le Rhone) jusqu'a Valence; de Valence je vais par terre a Avignon, ou j'arriverai demain a 4 h. du matin; je me reposerai, j'irai voir le palais des papes - puis, j'irai par chemin de fer a Nimes; de la (apres-demain) a Arles et a Marseille, d'ou je repartirai mardi pour Hyeres. Voici mon plan de voyage. Si vous avez une carte de France, jetez-y les yeux. Le bateau a vapeur ne partant qu'a 10 h<eures>, j'aurai le temps de jeter un coup d'oeil sur Lyon, qui, hier soir, grace a la nuit, m'a paru fort imposant. La double ligne courbe que decrivent les lumieres- d'un pont - se reflechissant dans l'eau - me fait toujours une impression etrange - surtout quand la riviere est large - et que le ciel est pur. (Je pense a votre "Entre le ciel et l'eau" 3.) Et vous, que faites-vous de bon? Composez-vous? Lisez-vous? Quand quitterez-vous Courtavenel? кcrivez-moi poste restante a Marseille; je n'en quitterai jamais les environs et au besoin le bureau de poste saura ou m'expedier les lettres qui me viendraient - et il m'en viendra, n'est-ce pas?
   Le garcon vient d'entrer pour me dire que le bateau no part qu'a 10 h<euers> il est vrai, mais que comme j'ai paye ma place au bureau des diligences -. il faut que je me rende sur-le-champ avec elle (la diligence) sur le quai.-Ne considerez donc cette lettre que comme un petit billet, ecrit a la hate - et gardez-vous de juger d'apres elle des autres! - Adieu donc, portez-vous bien, soyez heureuse et gaie; je vous serre les mains bien fort, bien fort. Mille amities a tout le monde. Ma veritable correspondance commencera demain a Nimes. Demain je vous ecrirai a Paris, rue de Douai. Aujourd'hui j'ecris encore a Courtavenel. Cher Courtavenel! - Au revoir, die einzige, Liebste! - Gott segne Sie tausend Mal! Die heiszesten Grusse Ihrem Ganzen Lieben Wesen. Auf Wiedersehen.- Morgen erst einen wahren Brief... Ihr alter liebend treuer Freund

I. T.

   На обороте:

Madame Pauline Viardot-Garcia

au chateau de Courtavenel, pres Rozoy-en-Brie

(Seine-et-Marne)

(par Paris).

  

91. ПОЛИНЕ ВИАРДО

8 (20) октября 1848. Иер

  

Hyeres.

Vendredi 20 octobre 48.

   Guten Morgen, Liebste, Theuerste, Einzige! Bonjour, Madame. Me voila enfin parvenu au but de mes peregrinations! Je suis arrive ici hier apres un sejour de deux jours a Toulon, ou j'avais ete retenu par une legere indisposition, parfaitement dissipee maintenant, et qui, du reste, n'avait absolument rien de commun avec feue ma nevralgie - car j'ai lieu l'esperer qu'elle est bien morte cette fois.- J'occupe une jolie petite chambre a l'Hotel d'Europe, donnant sur une terrasse d'ou j'ai une vue magnifique: une large plaine toute verdoyante, toute couverte d'orangers, d'oliviers, de figuiers et de muriers (je suis vraiment bien fache de toutes ces terminaisons en iers), parmi lesquels s'elevent de temps en temps les eventails, ou plutot les plumeaux etranges des palmiers. Cette plaine, que bordent a droite et a gauche d'assez hautes collines, se termine par un bras de mer au dela duquel s'etendent et bleuissent a la facon de Capri les iles d'Hyeres. Une rangee de pins a parasol court le long du rivage. Tout cela serait charmant, n'etait la pluie qui ne cesse de tomber depuis quatre jours, et qui dans ce moment meme enveloppe toute cette belle plaine d'un brouillard uniforme, terne et gris. Je compte rester ici une dizaine de jours. J'espere que cette pluie ne durera pas eternellement - ou si elle dure, ma foi, je travaillerai a faire trembler. Je vous ai envoye ma derniere lettre de Marseille1, le jour de mon depart pour Toulon - il faut que je vous raconte ce que j'ai fait depuis. Pasgrand'chose... Voyons, cependant. Je suis arrive a Toulon de grand malin, apres un voyage de nuits assez desagreable, par de mauvais chemins.- Toulon est une assez jolie ville, pas trop sale, ce qui veut beaucoup dire en France.- Il faisait un temps assez extravagant, de grosses nuees chargees de pluie passaient lourdement sur la ville, en laissant echapper de veritables torrents d'eau, qui, vu l'absence de vent, tombait presque perpendiculairement; puis une fois la bourrasque passee, un vigoureux soleil, radieux et gai, venait frapper les maisons et les rues ruisselantes. Toulon est entoure de hautes montagnes d'un gris jaunatre; rien n'etait charmant comme de les voir sortir peu a peu a la lumiere, a travers les derniers brouillards de l'ondee qui s'en allait. Je m'embarquai dans un petit bateau a voile et je fis une tournee dans la rade qui est fort belle et spacieuse. Nous passames devant la fregate "Le Muiron", qui ramena Napoleon d'Egypte et qu'on garde soigneusement dans le port2; il y avait une vingtaine de vaisseaux de guerre dans la rade.- Pendant les cinq quarts d'heure que dura mon excursion, il survint deux ou trois ondees, toujours sans vent; le jeu de couleurs qui se faisait avant, pendant et apres, sur la mer, etait quelque chose de magique. Elle prenait tantot une teinte d'encre de Chine nacree avec des reflets bleuatres, puis elle devenait d'un beau vert sombre ou bleu clair avec de petites paillettes d'or; a droite, elle etait d'un blanc laiteux; a gauche, pres des rochers, d'un gris noir, avec des franges d'ecume... et tout cela changeait, se deplacait a chaque instant, selon qu'on tournait la tete ou que les nuages passaient. Je rentrai enfin et je m'acheminai vers l'Arsenal, avec l'intention de voir les forcats3; mais aussitot que je declinai ma qualite d'etranger, et surtout de Russe, on me refusa rigoureusement l'entree.- Il etait venu, a ce qu'il parait de nouveaux ordres, tres severes la-dessus. Je m'en fus a mon hotel et m'appretai deja a partir pour Hyeres, quand je fus pris d'une espece d'attaque nerveuse a l'estomac, qui me forca de rester.- J'envoyai chercher un medecin qui m'administra des calmants, m'ordonna le repos, et, vingt-quatre heures plus tard, c'est-a-dire hier a quatre heures, je partais, parfaitement retabli, frais et dispos, pour Hyeres, ou j'arrivai juste a temps pour me mettre a table avec un Anglais roux, horriblement gene dans ses mouvements par une cravate en crinoline de deux pieds de hauteur, un vieux monsieur phtisique a la figure repoussante - un bouc avec des yeux de perroquet - et un vieux capitaine de chasseurs d'Afrique, un bon diable, que ne demanderait cependant pas mieux que de manger les socialistes tout crus, vu la grande habitude qu'il en a contractee avec les Bedouins. Quelle degoutante et ignoble institution que l'armee - das stehende Heer, comme disent les Allemands. Ces chasseurs d'Afrique p. е., d'apres les paroles de leur propre capitaine, ne donnent jamais de quartier, tuent les gens desarmes, violent et pillent, et cependant ce sont d'excellents soldats, bien obeissants, aimant par-dessus tout l'Ordre, bons et joyeux garcons. Que la foudre les ecrase tous! Ce vieux capitaine avec sa figure bonasse et son sourire jovial me faisait l'effet d'un ogre. Comme il regrettait qu'on n'avait pas fusille tous les emeutiers de Paris! Comme ii etait bete, comme il n'avait plus la moindre idee humaine dans sa stupide cervelle de soldat! Et la plus grande partie de l'armee est ainsi. Et pendant des siecles encore on ne pourra pas s'en passer. Fi! fi!
   Je vous avouerai que la premiere chose que j'ai faite aujourd'hui en me levant a ete d'aller a la poste. Je n'avais que fort peu d'espoir d'y trouver une lettre... et en effet il n'y en avait pas, helas! Mais je compte etre plus heureux demain ou apres-demain. C'est que Hyeres est un peu au bout du monde; il parait que les lettres de Marseille n'y parviennent qu'en 24 heures. Je suis sur qu'a l'heure qu'il est vous n'etes plus a Courtavenel; mes deux dernieres lettres ont ete adressees rue de Douai; les avez-vous recues?
   Comment allez-vous? Que faites-vous? Comment vous portez-vous? Bien, n'est-ce pas? Vous occupez-vous de l'arrangement de votre maison? Je dine chez vous dimanche, le 5; voulez-vous accepter cette invitation! - C'est convenu, le 5, dans votre petit salon chinois, vous aurez un convive de plus a table. Je demande pour ce jour-la une charlotte russe.
   La pluie semble vouloir cesser; mais le ciel est encore tout gris d'un bout a l'autre, sans la moindre petite echappee de lumiere. Aujourd'hui, apres mon excursion a la poste, je suis entre a l'eglise, qui est tres ancienne et tres bien conservee. L'interieur en est triste et sombre; la lumiere y penetre a peine a travers les vitraux colories - il n'y en a pas un qui soit blanc. Au moment ou j'entrais, tous les pretres (il y en avait plusieurs) en grand costume de deuil s'appretaient a chanter le "Requiem" devant un cercueil recouvert d'un drap noir et entoure de cierges jaunes; une centaine de personnes se tenaient immobiles sur les chaises. Les pretres et les enfants de choeur se mirent a psalmodier d'une voix criarde et fausse... Decidement, je prefere le grand air, le bucher et les jeux des anciens. A propos d'anciens, je me propose d'aller l'un de ces jours sur une des iles avec l'"Odyssee" et y rester la un temps indefini...
   Voyons - que vous dirai-je encore? Car il ne faut pas que je vous envoye de papier blanc - il ne le faut pas et je ne le veux pas. Как Ваше здоровье? Вы не забыли меня? Voyons, devinez que cela veut dire. Cela n'est pas deja si difficile. Ah! bravo! voici le soleil qui vient percer les nuages de son regard... comment? de feu ou de flammes? Bon - le voila parti.
   J'ai encore une comedie sur le tapis4, que je veux finir avant de quitter Hyeres. I] faut cependant que je vous en traduise une dans le courant de l'hiver.- C'est que j'ai un peu peur de vous, savez-vous? N'importe, il le faudra.
   Eh bien? et "Jeanne la Folle"5, la donne-t-on enfin? Je ne vois pas la moindre petite annonce dans les journaux. Aurez-vous deja eu quelques "glimpses" de la musique du "Prophete"6 a l'epoque de mon retour? C'est ce que nous verrons. Et maintenant donnez-moi votre main, que je la serre bien fort, bien fort; que Dieu vous benisse un million de fois. Mille amities a tous les votres. Que fait Viardot? Se porte-t-il bien? A revoir donc - a table - le 5. Gott segne Sie. Ihr treue Freund J. T.
   Je vous ecrirai apres-demain - et ainsi de deux joure l'autre, jusqu'a mon depart d'Hyeres.
  

92. ЭММЕ ГЕРВЕГ

25 октября (6 ноября) 1848. Париж

  

Guten Morgen, beste Frau Herwegh!

   Ich bin heute friih angekommen - und seit heute fruh sitz' ich schon wieder, nach meiner loblichen Gewohnheit, sehr unwohl auf meinem Zimmer. Wie geht es Ihnen? Wohl, hoff ich. Es wiirde mich freuen, Ihren Mann zu sehen, wenn er sonst nichts zu thun hat. Ich bitte, geben Sie dem porteur die neue Adresse Herzen's1 - Grussen Sie den kriege-rischen Horaz2. Auf Wiedersehen - ich hoffe - bald.

Ergebenst Ihr

Turgeneff.

   Boulevard des Capucines, 13. Montag.
  
   На обороте:

Madame

Madame Herwegh.

Rue neuve S-t Augustin. Hotel d'Orient.

  

93. M. С. ЩЕПКИНУ

27 октября (8 ноября) 1848. Париж

  

Париж, 27-го октября с. с. 48.

8-го ноября н. с.

   Завтра отправляется в Россию наш соотечественник, г-н Селиванов1, любезный и почтенный Михайло Семеныч; он Вам доставит первый акт моей комедии "Нахлебники"; порой я не успел окончить переписыванием - по как только кончу, немедленно отправлю по почте, так что, может быть, Вы получите его в одно время с первым. Прошу у Вас извинение за долгое отлагательство; желаю, чтобы мой труд Вам понравился. Если Вы найдете достойным Вашего таланта приняться за него - я другой награды не требую2. Приятели, которым я здесь прочел мою комедию - наговорили мне много любезностей по ее поводу3; я, может быть, им оттого могу несколько верить - что вообще эти приятели довольно строго отзывались об моих трудах. Но как бы то ни было - лишь бы мой "Нахлебник" Вам понравился и вызвал бы Вашу творческую деятельность!
   Боюсь я - не опоздал ли я немного. Сверх того, прошу Вас - если Вы возьмете мою комедию для своего бенефиса4 - не говорить заранее, кто ее написал; на меня дирекция, я знаю, втайне гневается за критику гедеоновского "Ляпунова" в "Отечественных) записках" - и с большим удовольствием готова нагадить мне5. Впрочем - я отдаю Вам свое произведение в полное распоряжение: делайте из него что хотите. Как бы я был рад, если б я мог присутствовать при первом представлении! Но об этом, кажется, нечего думать.
   Желаю Вам всего хорошего - здоровья и счастья. Крепко жму Вам руку и остаюсь с искренней преданностью и глубоким уважением.

Душевно любящий Вас

Иван Тургенев.

  

94. ЭММЕ ГЕРВЕГ

1 (13) ноября 1848 г. Париж

  
   Liebe Frau Herwegh, es geht mir viel besser - man liat mir erlaubt heute auszufahren - aber nur ein Bischen - wie geht es Ihnen? Lassen Sie mir, ich bitte, durch Ihre Bonne sagen, wil viel Sie Rayer geben, wenn er zu Ihnen kommt? - Er ist vier mabbei mir gewesen. Auf baldiges Wiedersehen. Griissen Sierlhren Mann.

Gruss und Bruderschaftlichkeit!1

Ihr Turgenew. Montag.

   На обороте:

Madame Emma Herwegh.

  

95. A. A. КРАЕВСКОМУ

14 (26) ноября 1848. Париж

  

Париж.

26/14 ноября 48.

   Я Вам бог знает как давно не писал, любезный Краевский; но надобно наконец честь знать1. Я не забыл, что я Ваш должник, и поверьте - я того мненья, что порядочный человек свои долги платить должен.
   Если Вам мои литературные труды могут еще годиться - напишите мне; у меня есть теперь вещи две готовых; я бы одну из них тотчас к Вам выслал, но я подумал, что лучше сперва справиться, в каких отношеньях мы находимся. Я надеюсь - в отличных; но уверен в этом я буду только по получении от Вас письма2.
   Итак: чем прикажете Вам заплатить? Жду Вашего решенья.
   А до тех пор остаюсь с искренним уваженьем

преданный Вам

Ив. Тургенев.

   Мой адресе: Rue Tronchet, No 1.
  

96. M. С. ЩЕПКИНУ

3 (15) декабря 1848. Париж

  

Париж.

15-го/3-го декабря 1848.

   Вы уже, должно быть, неделю тому назад получили второй акт моей комедии1, любезный и почтенный Ми-хайла Семеныч,- и, вероятно, уже мне ответили; но я пишу к Вам сегодня на всякий случай: если Вы до сих пор не получили этого второго акта (первый Вам должен был доставить г-н Селиванов) - значит - мое письмо затерялось - и мне надобно будет поскорей его переписать вторично. Но я надеюсь, что оно дошло в целости; во всяком случае - если Вы до сих пор мне еще не ответили, то, пожалуйста, сделайте это теперь. Кроме желания узнать - дошло ли мое письмо - во мне есть другое, весьма понятное: мне хочется знать, как Вам понравился мой "Нахлебник" и возьмете ли Вы его в свой бенефис2.- Приятель наш Г.3, которому я читал мою комедию, сделал два небольших замечания, которые просил меня сообщить Вам (и с которыми я совершенно согласен). Во-первых, он находит, что Кузовкину не след носить дворянский сюртук - а частный; а во-вторых, он в сцене, где Елецкий выходит от жены, уже всё узнавши, и видит, что Тропачев забавляется над Кузовкиным - в словах: "Да-с, Флегонт Александрыч, я признаюсь, удивляюсь, что Вам за охота с Вашим воспитаньем, с Вашим образованьем - заниматься такими, смею сказать, пустыми шутками" - предлагает: "смею сказать" - заменить фразой - "извините за выраженье" - потому что, по его мнению, смею сказать - не идет в устах петербургского чиновника. Я с ним вполне согласен - притом же это такая мелочь, что я бы устыдился писать Вам о ней, если б ой этого не потребовал 4. Буду ожидать Вашего ответа - и от всей души желаю Вам всего лучшего на свете. Будьте здоровы, веселы и счастливы.

От души преданный Вам

Ив. Тургенев.

  

97. ПОЛИНЕ ВИАРДО

29 декабря 1848 (10 января 1849). Версаль

  

Versailles.

10 janvier 49.

Mercredi.

   Bonjour, Madame, comment vous portez-vous? Bien, n'est-ce pas? Eh bien! je ne vais pas mal non plus. Le bon Miiller, avec lequel j'ai passe presque toute la journee d'hier, a du vous le dire.
   Il y doit y avoir dans l'air de Paris quelque chose de desagreable a mes nerfs. Ce scelerat de Paris! Je l'aime, cependant. Je vous avoue que je m'ennuie un peu a Versailles - mais j'y tiendrai bon. Je traduis1, je lis Saint-Simon2, je me promene, je vais au cafe lire les journaux - et deja les habitues, vieux bourgeois caducs, qui le premier jour me regardaient en-dessous et de cote, comme le font d'habitude les sangliers accules dans les tableaux de chasse - commencent a me soulever leurs chapeaux. Je les vois faire leurs interminables parties de domino entrecoupees aux memes endroits par les memes plaisanteries - a un sou le cent! - et je me demande ce que c'est que la vie, dirait M. Victor Hugo3. Non, je ne me demande rien, je regarde ces "plantes bulbeuses", et leur air de tranquillite inalterable et simplement bete m'inspire une espece d'ennui resigne - c'est aussi du chloroforme, cela... qu'on vienne m'extraire une molaire!
   Vous attendez-vous a ce que je vous dise quelque chose de Versailles?, oui? En bien, vous serez attrapee. Vous connaissez mon culte de l'imprevu, et ici je ne saurais dire que des choses usees jusqu'a la corde et que tout le monde a entendu<es> et repete<es> mille fois. Du reste, avec les mots suivants, que je vais vous ecrire: "grandeur, solitude, silence, statues blanches, arbres nus, fontaines glacees, grands souvenirs, longues avenues desertes" - avec ces mots que vous remuerez comme les pierres d'un kaleidoscope - avec votre imagination et votre esprit (oh, oh!) vous serez parfaitement en etat de vous dire a vous-mem-e tout ce que j'aurais pu vous ecrire, et mille millions de fois mieux encore (j'ai hate d'ajouter ces dernieres paroles, car sans cela ma phrase devenait d'une fatuite a faire trembler), si vous ne preferez pas vous occuper d'autre chose, ce que je ne puis m'empecher de vous conseiller.
   J'ai cependant ete chez H. Vernet; son tableau est faible et froid4.
   J'ai fait la connaissance de deux chiens, l'un commu-nicatif, gai, etourdi, peu ou point d'education, spirituel, railleur et qeulque peu mauvais sujet, au mieux avec tout le monde et, pour dire le vrai, sans veritable dignite; l'autre doux, reveur, paresseux et gourmand, nourri des lectures de Lamartine, insinuant et dedaigneux en meme temps 5. ils frequentent le meme cafe que moi. Le premier appartient (si un chien peut appartenir!!!) a un petit chirurgien d'armee tres maigre, tres laid et tres reveche; le second a pour maitresse la dame du comptoir, vieille petite femme, eden-tee a force d'etre bonne.- Il y en a qui vous font cet effet-la.- J'ai invite le premier a venir me voir, mais il pretend que son maitre lui donnerait le fouet; je n'ai pu lui opposer de bonnes raisons et me suis contente de lui donner un morceau de sucre qu'il a croque a l'instant meme en remuant sa queue avec politesse et vivacite.
   Sur ce, je baise vos belles mains et reste a tout jamais

Votre

J. Tourgueneff.

   P. S. A revoir vendredi soir ou samedi matin.
  

1840

  

98. ГЕОРГУ И ЭММЕ ГЕРВЕГ

Конец 1848 или начало 1849 (?). Париж

  
   Was haben Sie mit dem unschuldi

Категория: Книги | Добавил: Anul_Karapetyan (24.11.2012)
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